On dirait que ça marche bien pour Kurt Vile. Son album "Smoke ring for my halo" s'est classé dans le billboard 200, rien que ça. Ce succès est mérité, l'album est un très bon cru de folk rock. Je l'ai écouté plusieurs fois. Au début, je trouvais ça agréable mais pas franchement novateur. Dans le genre, il est quasiment impossible d'innover. Et puis au fil des écoutes, j'ai commencé à rentrer dans l'œuvre. Je ne sais pas trop à quoi ça tient. La qualité des chansons joue pour beaucoup, tout comme la qualité du son. Mais il y a aussi des phrases qui font leur effet, et puis ce chant nonchalant, traînant, faussement paresseux. On sent le mec tenté de glander toute la journée, mais il est rappelé à l'ordre par une pulsion vitale qui lui donne envie de changer le monde à lui tout seul. Finalement je crois que c'est ça qui m'a plu, ce côté déchiré entre pure passivité et volonté d'action, je m'y suis reconnu. Je crois que c'est sur "Peeping Tom" qu'on trouve la meilleure expression de cette contradiction. Ça tient sur quelques phrases : "I dont' wanna go, but I'm running ... I don't wanna work but I don't wanna sit around all day frownin... I don't wanna give up but i kinda wanna lie down, but not sleep, just rest". Là le mec je l'ai compris, je l'ai aimé. Les chansons ont cessé être de belles petites mélodies sans sens, je suis rentré dans l'essence du truc. Donc voilà Kurt Vile, prisonnier de la réalité, et il ne l'aime pas trop cette réalité, elle le déçoit. Restent juste le sommeil, l'alcool, les filles, la musique, mais il y a encore autre chose. L'esprit. Le voilà pris d'élans mystiques, planant au-dessus du monde. La réalité ne le touche plus. Sur "Ghost Town" : "raindrops might fall on my head sometimes but I don't pay em any mind". Evidemment cet état de transe ne dure pas : "then again, i guess it ain't always that way". L'univers de Kurt Vile est un univers de lutte entre ange et démon , foi et doute. C'est un chrétien qui chante cette lutte. Jésus est souvent présent dans ses chansons, ses élans mystiques sont des élans de mystique chrétienne. On sent que cette pensée le rassure, mais que cette pensée n'est guère assurée. Ange, Humain et démon cohabitent sous sa caboche. Tout ça me parle. J'ai reçu une éducation chrétienne, donc je comprends le sentiment chrétien. Il y a trois attitudes possibles face aux récits de Kurt Vile. La première est celle de l'athée pure jus : y en a marre de toutes ces conneries, ces images creuses de chute et de rédemption, il est temps d'en finir. La seconde attitude est celle du croyant qui va se retrouver dans les sentiments décrits par le musicien. Mon attitude est la suivante : je ne crois pas en Jesus et Dieu dans la mesure où je ne crois pas au sens littéral de toute cette pensée. Je ne crois pas qu'il soit important de trancher sur la vérité ou non de ces concepts. Pour moi c'est comme de juger du fait de savoir s'il a plu à la même heure il y a un siècle. On peut défendre le oui, ou le non, ou dire que ça n'est pas important. Si on en revient au christianisme, on peut donc s'écarter du sens littéral pour viser le sens allégorique. Et à ce niveau là, ces histoires de foi et de doute concernent tout le monde, aussi bien les chrétiens que les athées. Tout sentiment négatif (tristesse, colère, frustration, désespoir) est un démon. Tout sentiment positif (bonheur, plaisir, joie, espérance) est un ange. En ce sens, l'œuvre de Kurt Vile peut bien parler à tout le monde au-delà des croyances personnelles. |
