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Goran Bregovic
 

par Pierre Derensy (20/04/04)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

Goran Bregovic n'est pas une star. Un musicien tout au plus qui marie ses traditions à une exploration futuriste dans la musique actuelle. C'est surtout et avant tout un faiseur de miracles pelliculaires, car avec lui, les films qu'il honore de sa musique prennent une autre dimension. Goran Bregovic qui après avoir sorti deux compilations de ses prestations filmographiques et un album original au doux nom de « Tales and Songs From Weddings and Funerals », sillonne le monde entier avec son orchestre et ses musiques qui donnent autant envie de rire que de pleurer.

Finalement, appeler votre orchestre « Orchestre des Mariages et des Enterrements » c'est une belle manière de résumer l'ambiguïté de la condition humaine ?

Goran Bregovic : «Vous savez je viens d'un endroit où la vie et la mort ne sont pas aussi éloignées qu'on peut le penser dans d'autres pays occidentaux. Mes musiciens lorsqu'il ne sont pas avec moi, jouent dans des villages pour aussi bien des mariages que des enterrements. Ils perpétuent cette tradition. »

Comment se fait il que la musique tzigane soit la seule capable de faire rire et pleurer tout à la fois ?

Goran Bregovic : « Dans la religion orthodoxe, lors d'un enterrement, vous jouez la musique préférée du défunt. Cette musique peut se révéler être une musique joyeuse. Une façon d'accélérer les sentiments. Elle peut être parfois dansante ou parfois plus complexe.»

Passer d'icône rock à compositeur classique respectable en quelques années, est ce quelque chose de facile à vivre ?

Goran Bregovic : « La transition n'est pas si simple, il n'y a pas de coupure entres les deux images. Le punk et le mélodiste que je suis devenu plus tard, sont liés très fortement. J'ai fait la même chose toute ma vie. Le rock n'roll que j'ai fait à l'époque de ma jeunesse trouvait son but dans le fait de vouloir faire un habillage moderne à ma musique, aujourd'hui je ne fais plus ça car je préfère faire des ouvres dites « naturelles » mais l'homme derrière reste le même. Il y a juste l'habillage qui s'est modifié.»

Est ce que le fait d'avoir tout réussi, que ce soit dans le rock ou dans la musique de films ou les compositions dites liturgiques, ne vous donne pas l'impression de perdre la peur de l'échec qui est nécessaire à un artiste ?

Goran Bregovic : « Non. Les multiples casseroles, de différentes tailles, que j'ai pu fabriquer résultaient d'une envie de concevoir ma vie. C'est la manière dont j'imaginais une vie contemporaine. Tout du moins la mienne. Aujourd'hui je ne pense plus en terme de carrière mais en terme de musique. Je sais que cela peut paraître bateau mais je suis vraiment sincère dans ce que je vous dis là !»

Qu'est ce qui différencie la musique de cinéma de celle du théâtre ?

Goran Bregovic : « Le cinéma est plus stressant. Surtout par cette notion d'avoir ou ne pas avoir de succès qui peut s'avérer très castrateur pour moi. ainsi que le réalisateur et les acteurs je suppose. »

En quoi, l'exil dont vous avez été la victime, a modifié votre perception du monde qui vous entoure ?

Goran Bregovic : « La guerre n'est pas un rêve que vous aimez connaître. en même temps c'est quelque chose, quand on regarde l'histoire, qui est presque normal. Ce qu'apporte l'exil et le conflit, c'est qu'on s'aperçoit du meilleur et du pire de l'être humain. J'étais dans une île Adriatique au moment du début des hostilités, je venais d'avoir 40 ans et j'avais décidé de souffler et ne plus penser à la musique. En vacances éternelles dans un endroit paradisiaque. Avec les événements j'ai du recommencer au début, encore une fois, comme à 17 ans. Peut être que sans la guerre personne n'aurait connu mes chansons en dehors de mon tout petit pays mais en même temps peut être que j'aurais été heureux comme ça. On ne peut pas savoir. »

Dans votre configuration scène vous avez du passer de 150 à 50 musiciens, pourquoi ?

Goran Bregovic : « Nous sommes autour de 45 maintenant, en fait j'ai voulu virer beaucoup d'instruments classiques qui étaient trop bien accordés pour ma musique (rire). Je désirais un mélange entre le classique et le traditionnel mais sans jamais remplir une obligation de « bien jouer ». »

Qu'est ce qu'apporte la polyphonie ou les chours à vos compositions ?

Goran Bregovic : « J'aime bien de travailler avec les voix. Spécialement avec les chanteurs masculins. »

Mélanger la tradition à des riffs de guitare électrique, c'est un peu la façon de voir l'avenir en ex-yougoslavie. Un mélange de ce qui a été fait et de ce qui doit être fait ?

Goran Bregovic : « Je ne vais pas vous répondre d'une manière très raffinée comme vous me le demandez. Je ne veux pas rentrer dans ces choses philosophiques, pour moi, ma musique est très spontanée. Un jour avec du beurre sur du pain, le lendemain elle sera nature. Je ne veux pas mettre des
choses compliquées sur ce que je fais. »

Les professionnels de la musique vous ont taxé de faire une musique empesée et alourdie d'effets. Comme si votre succès populaire ne pouvait pas rimer avec beauté musicale ?

Goran Bregovic : « Je n'ai pas d'obligation à leur rendre. Je ne suis pas une pop-star ni un compétiteur sur la vente de disques, je suis simplement un compositeur qui intéresse certaines personnes et qui rebute d'autres dans certains circuits officiels. Et alors ? Effectivement faire de la musique est
un métier pour moi mais je n'ai plus l'obligation d'avoir un succès d'estime. J'aime savoir que 100000 personnes en France achètent mes disques et les aiment. Que le critique, lui, semble offusqué par ma manière de faire, cela m'est égal. »

Tout de même, Est ce que vous n'auriez pas été plus heureux à l'époque de la Renaissance ?

Goran Bregovic : « Dans la façon de pensée de l'époque cela aurait pu être intéressant effectivement. J'aime toutefois ce qui se joue, humainement, aujourd'hui.»

Vous êtes passé de bar à strip-tease dans votre jeunesse à des théâtre immenses pour jouer votre musique dorénavant, qu'est ce qui différencie les deux publics ?

Goran Bregovic : « Quand vous êtes jeune c'est très amusant de se retrouver avec des filles à poils qui dansent à côté de vous pendant que vous jouez de la musique mais je m'en suis lassé très vite (rire). Aujourd'hui je rêve toujours d'une carrière à la Pink Floyd. que les gens connaissent ma musique
sans savoir quel visage se cache derrière. J'adorerais ça. Je suis souvent sur le devant de la scène et les gens viennent essentiellement pour moi, comme dans le passé. Ce qui rattache les deux périodes c'est que j'adore jouer Live. Rien ne change vraiment, tout se transforme.»

Savez vous qu'à cause de vous et d'Emir Kusturica, toute la jeune génération rêve de devenir gitan alors qu'avant elle avait pour ambition de revêtir la panoplie de cow-boy ?

Goran Bregovic : « Chez nous, le métier de musicien est un métier de gitan. Par contre gitan n'est pas un métier. Tu ne peux pas le devenir. Cependant, il faudrait que chacun d'entre nous le soit quelques jours dans l'année. (rire) »

Je n'ai vraiment pas envie de vous quitter et j'ai encore beaucoup de questions à vous poser, comment puis je faire ?

Goran Bregovic : « Ecoutez, c'est tout simple. Je viens bientôt donner plusieurs concerts en France, vous passez dans ma loge pour continuer la conversation et perdurer la tradition gitane en buvant un verre ensemble ! »