Rarement une transformation (référence au papillon ?) aussi extrême, virage si perpendiculaire pris par un groupe de rock duquel on attendait l’éternel bon disque sans grandeur particulière, fut à ce point réussi. Entre le Blonde redhead arty et hardcore, descendance batardisée de Sonic youth, des dernières années et celui inventif, tordu de « Misery is a butterfly », il y a un fossé qu’on ne le sentait pas capable de franchir. Autrefois lynx racé, Blonde redhead est aujourd’hui devenu, non pas un papillon, plutôt une vipère qui mord tout en douceur et fait pénétrer son liquide vénéneux au plus profond, touchant les organes vitaux autant que les âmes impures (« Elephant woman », « Falling man »). Le trio assagit ses guitares, les tiens en laisse pour éviter tout dérapages sonores. Ces dernières frustrées se tordent dans tous les sens pour s’échapper, nous offrent des sonorités névrosées, tendues. Autrement subversive qu’à ses débuts, la musique de Blonde redhead laisse la part belle à l’écriture sans pour autant la sacraliser. Sur chaque mélodie viennent se greffer des organismes vivants venus d’un autre monde, viennent se reproduire des virus sans vaccins qui une fois développés nous hantent pour le meilleur seulement (« Doll is mine », « Magic mountain »). « Misery is a butterfly » est sans conteste le disque le plus incroyable de Blonde redhead, son quasi-chef d’œuvre fascinant, attirant, un album qui désarme et charme dans un même mouvement (« Pink love »). Un disque qui restera dans nos annales comme une énorme surprise à laquelle on sera fidèle un très long moment. |