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Art Rock 2008 (Saint Brieuc)
 

par Jeffrey Lee (10/05/08)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

Il y a un an déjà, nous nous recueillions avec la grande prêtresse du rock Patti Smith sous une pluie diluvienne à Saint-Brieuc. J’en souris rien que de penser à mes bonds sur « Gloria »…


Cette année serait plus vouée à la modernité : faisons table rase de ces vieilleries, voyons voir le menu : qu’allaient nous proposer les nouveaux venus de The Do, valent-il plus qu’un tube ? Dionysos saurait-t-il toujours nous exalter par sa furieuse énergie ou sa mécanique du cœur a-t-elle grippé la mécanique du rock ? Two Gallants et Blood red shoes, deux duos aussi éloignés que possible, nous livreraient-ils des prestations à la hauteur de leurs albums ?
Sous la grande aile de Poulain Corbion, la place aménagée pour les concerts dans le centre de la ville, voici donc The Do.

Un trio emmené par une jolie chanteuse, Olivia B. Merilahtin, qui sait faire monter sa belle voix dans les aigus sans tomber dans les travers de maintes chanteuses au timbre non moins joli, mais moins apte à de telles gymnastiques (cf. l’exemple de CatPower sur « Rockets », pour n’en citer qu’une). Les mains se lèvent quand Olivia Merilahtin joue de sa voix sur des guitares rythmiques basiques mais efficaces. C’est simple, c’est bon. Et c’est bon quand c’est simple. Mais parfois ça se complique : les parties instrumentales brisent souvent la dynamique des chansons et ce n’est que quand la simplicité revient que l’on reprend le fil. De titre en titre, nous sommes ainsi ballottés, on nous souffle le chaud et le froid. Il y a du bon dans ce groupe, mais attention aux digressions.

Quelques longues minutes plus tard, arrivent les furieux de Dionysos. Enfin, LE furieux Mathias Malzeu, surtout. Ca faisait bien cinq ans que je ne les avais vus sur scène, et bien si moi j’ai changé, lui, non ! Quelle énergie, quelle ardeur ! En cinq ans, ce qui a changé aussi, c’est l’ampleur du succès de ce groupe : les fans sont là, nombreux, fiévreux, prêts à se donner au rythme endiablé de la musique. Il a du bagout,, Mathias, l’art de manier les foules : elle est là à ses pieds, prête à hurler de plaisir. Il en joue comme d’un instrument et c’est quasiment ce qu’il y a de plus jouissif quand on va voir un concert de Dionysos. Le gros bémol est pour le connaisseur et amateur attentif de la musique du groupe. Celui qui vient, mettons, pour entendre le violon de Babet, en sera alors pour ses frais : dès que la mécanique s’emballe, on ne l’entend plus guère, le son n’est plus qu’un rouleau compresseur qui aplatit les neurones et transforme tout un chacun en machine à sauter, crier, bondir.

C’est bien et c’est mal, mais là aussi c’est bon ! Ils jouent une poignée de vieilleries au milieu de titres tirés de leur dernier album, mais sans aucune guest star. Le show est long, une fois chaud le groupe ne semble plus vouloir quitter la scène (et le public en redemande.) Ca se termine enfin et, le temps de souffler, on quitte Poulain Corbion pour l’espace plus intimiste de La Passerelle et retrouver Two Gallants.

Le groupe arrive presque à l’improviste, sous le regard d’un maigre parterre d’auditeurs. Ils jouent fort. C’est brut, nom de nom, ce que c’est brut ! La voix d’Adam Stephens est tendue comme un arc, son jeu de guitare en suit chaque inflexion, et la formidable batterie de Tyson Vogel colle à tout ça à la note près et n’en loupe pas une miette (ça saute aux yeux plus encore qu’aux oreilles !). On a le cerveau serré de prêt entre ces trois sons là et on ne moufte pas. Adam Stephens n’est pas là pour rigoler et il semble se fâcher tout rouge en chantant d’une façon extrêmement pénétrée (me faisant penser au niveau d’implication d’un Bill Callahan), conférant une extrême tension à ses interprétations. D’ailleurs quand un saoûlot s’essaie à apporter sa contribution à leurs interprétations (en beuglant comme un abruti), Stephens n’hésite pas à s’arrêter de jouer et à regarder l’idiot sans rien dire. L’assistance semble gênée (« il va pas nous niquer notre concert, merde ! ») mais ces quelques secondes de malaise auront remis tout le monde dans le droit chemin !

La musique reprend bien vite son droit. La salle se remplit peu à peu et La Passerelle, attentive, voit s’égrener une file de joyaux tous plus bruts les uns que les autres. Sauf sur une ballade, où Vogel abandonne sa batterie pour une guitare sèche, et Stephens prend un timbre plus doux : on croirait entendre du Vic Chesnutt ! Les deux gars nous auront fait là un beau show, intense, et je retiendrai tout particulièrement (surtout parce que je les adore…) leurs interprétations de « Last Cruces Jail » (aussi incisive en live que sur disque) et leur version délicieusement rallongée de « Steady Rollin’ », qui démarre très lentement en ballade doucereuse et finit en furia (et la femme dans la baie de Frisco, bien entendu).

Une pause pour remplacer le guitariste teigneux par une jolie guitariste, le batteur par une autre plus jeune. Ils sont anglais, ils sont à peine sortis de l’adolescence et ils veulent nous balancer leur énergie à la figure ! En avant pour Blood Red Shoes ! Ca part à fond les ballons. Ca continue à fond les ballons. Et ça enchaîne à fond les ballons. Les mélodies sont là, les rythmiques sont simples là aussi, et c’est efficace. Oserai-je toutefois dire que tout cela manque un peu de maturité ? Oserai-je dire que les compos se ressemblent beaucoup ? Ca finit par créer une certaine monotonie qui affadit toute cette énergie, et j’en ressors quelque peu déçu. Mais ils sont jeunes, ils ont le temps d’affiner tout ça !
Il est temps de quitter Saint-Brieuc pour 2008, on referme le livre et on le rouvrira sur de nouvelles (belles) pages l’an prochain.