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Amadou et Mariam
 

par Pierre Derensy (27/02/05)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

Parler d’Amadou et Mariam c’est relater tout d’abord un beau compte de fée. Ces deux africains s’étant rencontrés dans leur jeunesse dans un centre pour aveugles ne se sont plus quittés pour le mariage de leur cœur et de la musique toujours pour le meilleur et jamais pour le pire. Débutant leur carrière commune en diffusant des cassettes sur les marchés de Côte d’Ivoire, ils se sont produits maintes et maintes fois dans différents lieux avant de connaître le succès continental puis international avec leur premier tube « Mon amour, ma chérie » pour un disque « studio » officiel. Les voilà de retour afin de promouvoir « Dimanche à Bamoko » où l’amour et la tendresse poursuivent leur route commune.

On parle souvent de votre duo mais à l’écoute de l’album on peut parler d’un trio avec Mamadou « La Future Star » qui se trouve sur la pochette interne de votre album, c’était qui ce petit garçon ?

Amadou et Mariam : « Il n’est pas musicien, Mamadou faisait partie d’autres enfants de la rue. Pour notre premier titre ‘M’Bifé’ nous avions besoin de chœurs et nous l’avons intégré à la chanson. C'est lui qui introduit le premier titre, cette balade avec l’amour en sujet.. »

Pour en revenir à vous, on peut dire que votre relation à tous les deux est presque fusionnelle ?

Amadou et Mariam : « Effectivement, on aime beaucoup les mêmes choses, je crois que nous sommes fait pour être l’un avec l’autre (rire). La musique notamment nous a rapprochés énormément, ce qui fait que nous restons collés. Cela peut sembler bizarre pour certaines personnes notamment en Europe mais nous n’avons jamais été séparés bien longtemps. »

Est ce du au fait que beaucoup de monde, vos parents notamment, étaient contre votre union ?

Amadou et Mariam : « Ils n’étaient pas contre notre union mais ils s’inquiétaient énormément. Ils n’étaient pas tranquilles vis à vis de notre handicap. »

Comment avez vous rencontré Manu-Chao le producteur de « Dimanche à Bamako » ?

Amadou et Mariam : « La rencontre avec Manu-Chao s’est faite le plus simplement possible. Il avait donné une série d’interview dans lesquelles il racontait qu’il aimait notre musique, notamment suite à une de nos chansons « Chaffeur » qu’il avait adoré. On a donc cherché à le rencontrer, par l’intermédiaire de notre manager on s’est donné rendez-vous au studio Davout. Pour le rendez-vous nous avions composé plusieurs chansons et lui aussitôt a pris sa guitare pour nous accompagner. Finalement nous étions tellement bien ensemble que nous avons décidé qu’il soit le producteur de notre nouvel album. »

Est ce lui qui a amené ces petits bruits de la rue mis en boucle, comme la sirène de police ?

Amadou et Mariam : « Oui, il aimait bien prendre les bruits de la rue pour les coller dans nos morceaux afin de les rendre encore plus vivants. Avec Manu ce fut et c’est encore un véritable échange qui nous rapproche, Il faut toujours provoquer des fusions..»

Amadou, vous êtes assez loin du rythme n’blues original qui vous a fait connaître tout en le gardant dans le fond de votre poche ?

Amadou et Mariam : « (rire) A la fin des années 60, j’ai fais mes armes de guitariste au sein des Ambassadeurs du Motel de Bamako pour voir émerger ce blues qu’on appelle « bamanan », blues qui est encore et toujours une partie de ma marque de fabrique. »

Vous chantez dans votre langue d’origine mais aussi en français ?

Amadou et Mariam : « Il est important pour nous que tout le monde puisse se retrouver à travers notre musique, en Afrique de l’ouest, beaucoup de monde parle français, l’utilisation de cette langue permet de faire comprendre aux gens à peu près tout ce que nous chantons. »

Le qualificatif de World musique vous va comme un gant ?

Amadou et Mariam : « Oui ! nous faisons de la musique du monde pour tout le monde. »

Toutes vos chansons sont empreintes d’un espoir ?

Amadou et Mariam : « Comme le dit si bien l’adage c’est l’espoir qui fait vivre. On essaye de montrer à travers notre musique la manière de vivre plutôt bien. Pour vivre heureux, il faut de la liberté, de la justice et de l’entente des uns avec les autres, ce sont tous ces sujets que nous développons dans nos albums.»

Est ce que l’Afrique que vous chantez existe encore vraiment ou alors est ce une Afrique utopique rêvée par vous deux ?

Amadou et Mariam : « C’est un mélange des deux, nous évoquons parfois l’ancienne Afrique de ce qui se faisait chez nous dans le temps, mais en dehors de cela nous chantons une musique qui est ancrée dans le réel. »

Votre nouvel album fait bouger dans la tradition festive mais avec des nuances, des engagements plus marqués ?

Amadou et Mariam : « Dans les autres albums cela se remarquait moins. Dans celui là nous voulions marquer le coup en parlant ouvertement de la solidarité entre les gens. Il y a aussi « Politic Amagni » fait avec notre fils qui pratique le rap au Mali et qui est venu prêter main forte sur le titre pour dire tout ce qu’il ne faut pas faire et qui détruit l’Afrique.»

« Coulibaly » l’un de vos titres parle d’un sujet qui vous est cher ?

Amadou et Mariam : « Dans tous nos albums on essaye de parler de la culture malienne, de la société malienne, de ce qui se passe chez nous, et les coulibaly ce sont simplement des gens qui vivent dans une région et qu’on retrouve aussi dans les pays limitrophes. »

Qu’est ce qu’un griot ?

Amadou et Mariam : « Ce sont les détenteurs du chant oral. Ce sont eux qui transmettent la tradition orale. C’est une sorte de caste au même titre qu’un noble ou un forgeron. Cela pourrait se traduire ici par l’artiste au sens le plus large, autant des parleurs que des musiciens. Ce sont eux qui vont faire des conciliations, ce sont eux qui chantent dans les cérémonies… »

Vous avez un rapport particulier avec la Côte d’Ivoire car c’est de là que toute votre réussite est partie, la situation actuelle doit fortement vous peiner ?

Amadou et Mariam : « Enormément ! surtout que c’est d’Abidjan que nous avons chanté notre première chanson connue qui s’intitulait « La paix » enregistrée sur des cassettes au milieu des années 80. A cette époque nous n’avions pas de producteur, ni de studio mais nous étions devenus de véritables stars. Il y a des quartiers où l'on ne pouvait pas aller car nous étions trop connus. Les gens soulevaient notre voiture quand on y passait. »

Vous chantez « Jouer de la musique n’est pas aisé » et « Rendre Heureux la foule et la salle n’est pas aisé », quelle est donc la recette miracle pour que tout fonctionne bien ?

Amadou et Mariam : « Il faut beaucoup de tactique, énormément de courage aussi et de l’habileté pour comprendre le public. Nous aimons vraiment communier ou tout du moins saluer les gens qui ont fait le déplacement pour venir nous voir. »

Adaptez vous votre répertoire en fonction de l’endroit où vous jouez ?

Amadou et Mariam : « En Europe, on a un répertoire que l’on met en avant dont la base est le dernier disque sorti tandis qu’au Mali nous ne jouons pas forcément les mêmes musiques car nous pouvons puiser plus loin dans notre mémoire. Ou que nous jouions, le fait de monter sur scène nous motive beaucoup car nous pouvons communiquer et chanter avec les gens. Nous aimons de notre côté, de par notre cécité, que le public réagisse pour nous faire vibrer. »

Comment faites vous pour passer des pistes très arrangées sur disques à un set live ?

Amadou et Mariam : « Nous n’avons malheureusement pas les moyens de faire venir sur scène tous les musiciens qui jouent avec nous sur le disque donc il faut trouver les moyens de donner un style particulier à base de chaleur humaine. »

Vous êtes les premiers à avoir signé votre album avec « Because » le nouveau label d’Emmanuel de Buretel ex Virgin-Emi ?

Amadou et Mariam : « Nous avons été en pourparlers pour trouver très rapidement un accord. De Buretel reste un manager tout en étant un être humain très riche, c’est ce qui nous a séduit. »

Vous avez déjà vendu plus de 60 000 « Dimanche à Bamako », on est loin des cassettes vendues à vos débuts ?

Amadou et Mariam : « C’est un mélange de chance et de travail. »

Vous ne vous interdisez pas des collaborations avec M ou Sergent Garcia ?

Amadou et Mariam : « Non et l’on compte bien continuer dans l’avenir. »

Si je vous donne la possibilité de choisir un artiste avec qui vous rêveriez de travailler ?

Amadou et Mariam : « Francis Cabrel ! On aime beaucoup ce qu’il chante. On aime Goldmann aussi (rire) et encore mieux : Steeve Wonder. On est ouvert à tout le monde. (rire) »

Vous êtes nominés aux victoires de la musique ?

Amadou et Mariam : « Cela nous fait un immense plaisir ! Il va falloir préparer un discours si jamais nous gagnons (rire). »

J’aimerais savoir avant que l’on ne se quitte si vous vous êtes mariés un dimanche ?

Amadou et Mariam : « On a fait une grande fêtes, avec beaucoup de gens. Après la cérémonie on est parti à l’institut des jeunes aveugles. »

Votre cécité n’a t’elle pas favorisé votre carrière finalement ?

Amadou et Mariam : « Le fait d’être aveugle vous oblige à vous concentrer sur tout. On écoute certainement mieux ou de manière plus pointu qu’un voyant. »

Pierre DERENSY