J’ai lu plein d’articles sur cet album, et ça commence toujours par « N-ième album de Eels… », puis une petite météo sur son moral fluctuant : bas sur « blinking lights », ça remonte sur « Hombre lobo », ça redescend sur « End times », apaisé sur « tomorrow morning » : marre de faire du tobbogan ! E, le leader de Eels, a une discographie remarquable, il ne sort pas d’album vraiment mauvais. Mais après les sommets de « blinking lights… », sans doute son chef d’œuvre, double album poignant et passionnant, on a attendu longtemps. Et après ce long silence, trois albums rapprochés en forme d’enchaînement « gauche-droite-gauche ». Alors disons-le tout net : « Hombre lobo » et « End times » m’avaient laissé sur ma faim : un punch de mauviette ! D’abord, « Hombre lobo », album fadasse et sans saveur. Puis « End times » : retour à ces heures sombres qui virent sortir du plus noir des abîmes des pépites comme « Electro-shock blues » ou « blinking lights » ? Que nenni, ça ressemble à des fonds de tiroir d’un alcoolo au fond du trou qui marmonne dans sa barbe. Enfin, voici ce « Tomorrow morning ».
Ca commence par un instrumental qui ne me fait pas sortir de ma réserve. J’attends de voir. Et puis les voilà, ces tendres mélodies bien troussées qui font chavirer les âmes, ces arrangements truffés de changements de rythmes qui titillent la curiosité (« the man », « baby loves me ») : c’est bien lui, le grand Eels, celui des meilleurs albums. « What i have to offer » : où l’on retrouve ce dépouillement tout juste rehaussé de bidouillages qui nous plaisait tant sur « Electro-shock blues » ou Blinking lights ». Des instrumentaux (« the earthquake »), ou certaines chansons comme « the morning » ou « oh so lovely » sont pleines de ces boucles de synthés qui m’emmènent proches des contrées visitées par Grandaddy. Ces tendres barbus aux voix d’anges me manquent, ça me fait plaisir; mais ces guitares sèches, ces percussions, cette voix-là vient bien de l’univers de E. Et puis il y a un certain rock-blues qui revient toujours par la bande comme sur « this is where it gets good ». Mélodie vaguement mièvre où la rythmique finit par tout écraser. Et de se laisses hypnotiser, se surprendre à tendre l’oreille aux sons foutraques qui vont et viennent, une chanson qui prend son temps. Chanson suivante : tiens, un orgue tout droit recyclé du premier album… toujours au goût du jour ? Finalement, oui ! Cet album serait-il une belle synthèse de la discographie passée ? Oui, mais pas seulement : il y a du neuf ! Par exemple, sur « looking up », il se prend pour le ray charles façon « what i’d say », mais à sa façon : celui du loup hurlant de « Souljacker ».
Et on hurle à la nuit avec lui. Et là, sur « Mistery of life », revoici des extravagances, cette inspiration que je n’avais pas entendue depuis les premiers albums : une chanson tellement « E », c’est osé, mais il lâche les chevaux sans réfléchir, et ça, j’adore ! Et là ? « that’s not her way » : des humeurs carrément sorties d’un album de sparklehorse : Mark linkous est mort récemment, encore un fantôme qu’il me plait de croiser ici. Alors c’est vrai, une chanson comme « i like the way this is going », « swimming lessons », ça ressemble comme deux gouttes d’eau à des choses qu’il a faites avant : mais c’est tellement bien fait, tellement joli, oui ça me touche toujours autant. Y a pas de gras sur cet album, pourtant, il y a 19 chansons, et toutes ont ce « quelque chose » qui font les grands albums. Je retrouve cet ami cher, celui-là qui m’avait abandonné frissonnant sur les sommets enneigés de « Blinking lights ». Je me sens comme la moitié d’un vieux couple qui ressent à nouveau le souffle des premiers temps. Après une période de doute, le retour du sentiment amoureux. C’est tellement bon! Cette « gauche » là, elle m’a mis KO de bonheur ! |