Harry-D. Chabert : Bordélique, foutoir, patraque, malade, schizophrénique, pourraient qualifier « Strawberry jam ». Immense, intense, génial, refondateur et rénovateur pourraient aussi correspondre. Tout comme psychédélique, pop, riche, fondamental d’ailleurs. Si cette collection d’adjectifs peut sembler limitative comme description d’une œuvre musicale hallucinée, nous sommes obligés d’en passer par là tant toute autre tentative de peinture de « Strawberry jam » se révèlera vaine. Comme à leur habitude, les inclassables Animal collective déploient leur art de la mise en abîme, utilisent leur savoir architectural, leur pouvoir d’hypnose (« For reverend green ») sur cette pop contemporaine. Les morceaux sont plus que des mélodies, ils sont autant d’expériences de déconstruction de la pop et de tentative de lui donner de nouvelles perspectives, de renouveler sa lecture par une hybridation des instruments, un croisement des gènes (« Fireworks »). Cette pop qui reflète à l’extrême nos sociétés des contraires, des extrêmes, des mélanges non tolérés, des paradoxes non éclairés. Mais Animal collective fait tout cela sans jamais tomber dans le trop arty. Sur « Strawberry jam », les mélodies même par bribes s’assemblent en une oeuvre cohérente et fractale, mutante et angulaire, à coté de laquelle la plupart des disques actuels semblent bien conformes et sans intérêt. |