Bashung est comme un vieux vin de qualité supérieure, il se bonifie avec le temps et les risques de bouchonnages ne sont pas bien grands voire inexistants. Après le grandiose « Frantaisie militaire » dont on n’est toujours pas revenu, dont certains titres rendaient fou de jalousie, il nous offre « L’imprudence », un disque obligatoirement immense dont le jugement après quelques écoutes est par essence caduque. « L’imprudence » fait partie de ces disques dont on sait qu’ils nous accompagneront longtemps sans trop pouvoir le juger dans l’immédiat. Un de ces disques qui empêchent les mots de sortir, le papier de se noircir. Sombre, au désespoir vertigineux ("Faites monter", "Le dimanche à Tchernobyl"), comme un puit sans fond d’ambiances successives éclectiques mais cohérentes, ce disque n’a pas fini de nous livrer ses mystères. Il faut aborder « L’imprudence » avec prudence sans se jeter dessus et l’écouter sans réellement l’entendre. D’une grande richesse, notamment par l’apport des collaborateurs et de leurs moyens d’expression (Miossec sur "Faisons envie", Marc Ribot, Mobile in motion pour certains arrangements de cordes et électroniques, l’éternel second Fauque,…), ce disque est, avec « Fantaisie militaire », le plus abouti d’un des grands de la chanson Française qu’on peut hisser, n’ayons pas peur, quasiment au niveau d’un Gainsbourg. Sauf que Bashung est plus complexe à appréhender et certainement moins subtilement génial ("Je me dore"). Si on le qualifie d’auteur Français, c’est qu’il dépasse le cadre étriqué du rock, de la pop et même du songwriting à la Française notamment aujourd'hui par l'utilisation d'une machinerie électronique complexe ("Tel", "Noir de monde"). Bashung signe avec «L’imprudence » un album fantomatique, effrayant, qui sent le souffre et qui flirte par moments avec la musique contemporaine ("Jamais d'autre que toi" tiré d'un texte de Robert Desnos). Pour l’instant, on se contentera de ces quelques lignes sans réelles prises sur un disque indispensable, un disque qu’on devrait chroniquer après quelques centaines d’écoutes. Un disque qui marque les limites de notre action de critique. |
