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Rock Story #43 Lana Del Rey
 

par Adrien Lozachmeur (14/04/13)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

Je suis obligé de vous parler du clip de "Blue Velvet" par Lana Del Rey. Comme tout le monde, j'ai découvert cette artiste via le clip de "Video Games" (36 millions de visionnages sur youtube). J'aime beaucoup sa voix sur cet enregistrement mais bon, ça ne suffisait pas pour que j'ai envie d'en savoir plus. Je n'ai pas écouté son album multi-platiné et je n'ai pas regardé ses clips aux millions de visionnages (97 millions rien que pour "Born to die"). Lana del Rey est une méga-star assez étrange. Dans sa musique, dans son look (la choucroute!), elle travaille une image d'une autre époque. On la croirait sortie de l'Amérique de l'après-guerre. On est loin des Rihanna et autres Lady Gaga, ces stars qui se veulent en prise avec une présupposée image moderne de la femme, forcément ultra sexuée. Celles-là s'inscrivent dans la lignée de LA material girl par excellence, Madonna. Lana semble plutôt rêver du passé. Évidemment ça n'est qu'une posture. La jeune fille a les pieds sur terre. Il y a beaucoup d'ironie dans son univers. Ça fait faux, et c'est fait exprès. On ne peut pas vraiment parler de manipulation puisque le côté faux est absolument assumé. Il suffit de voir le clip de "Blue Velvet". Le film est assez onirique, on se retrouve projeté dans un autre univers et puis patatra, ça s'achève sur le slogan H&M marqué en grand. Le film n'était qu'une pub de luxe. Rappelons que Lana del Rey est l'ambassadrice de H&M. J'ai peut-être perçu dès "Video Games" ce manque de sincérité, ça peut expliquer que je n'ai pas voulu aller plus loin. Mais en même temps c'est vendu de façon plutôt intelligente, ça me fascine. Ça en dit long sur notre époque, où on compose sans cesse entre rêves et compromis. Mais en disant ça, je ne dis pas tout. Car il y a des raisons bien plus profondes qui font que j'ai envie de parler de ce "Blue Velvet", des raisons qui ramènent à mon histoire personnelle en tant qu'amateur de rock et de cinéma. Lana del Rey fait référence à un chef d'œuvre de David Lynch. A la fin des années 80, "Blue Velvet" a été le premier film où le réalisateur avait enfin les coudées franches après des années d'assujettissement aux grands studios. C'est la première pierre de l'œuvre à venir, et c'est un film magistral. ll s'ouvre sur la chanson éponyme. C'est une scie inoffensive du début des années 60. Un numéro 1 du Billboard, elle était chantée par un certain Bobbie Vinton, sur lequel j'ai lu qu'il avait placé plus de numéros 1 dans les charts en 10 ans que n'importe quelle autre star de l'époque (y compris Elvis ou Sinatra). A la base c'est une chanson d'innocence, ça respire bon l'american way of life. Au début du film on l'entend et on voit des pompiers au sourire démesuré sur un camion qui étincelle sous un soleil radieux, dans une petite ville de rêve. Comme toujours chez Lynch, la vérité est voilée. Les personnages vont découvrir le côté obscur de la vie. Et là on entend l'autre versant de "Blue Velvet". Lorsque Isabelle Rossellini le chante devant un parterre d'oiseaux de nuits, toute la tristesse du monde s'y engouffre. C'est aussi pour ça que j'aime bien le clip de Lana del Rey : parce qu'il est truffé de références lynchiennes : les rideaux, l'appartement à la Hopper, les téléphones, et même un nain! Chez Lynch, les personnages difformes servent de lien entre illusion et réalité. Ils font passer les personnages de l'autre côté. Ici dans le clip, le nain en débranchant le micro, dévoile la supercherie. Il n'y a pas de chanteuse, il n'y avait qu'un enregistrement! Nous étions dans un monde d'illusions! La scène ressemble à celle du Silencio dans « Mulholland Drive ». Au passage, Lana Del Rey aborde avec ironie le reproche qui lui a été fait de n'être que du chiqué à cause de prestations live assez catastrophiques. C'est assez malin... Mais revenons à mon rapport à la chanson « Blue Velvet ». Car s'il n'y avait que le film, ce rapport n'aurait rien de particulier. Des tas de gens connaissent la référence. Pour évoquer la singularité de mon rapport, il faut que je vous raconte la suite de son histoire, ce qui nous amène à Rodolphe Burger et son groupe Kat Onoma, le plus grand groupe français ayant jamais existé. Sur "Far From the pictures", Kat Onoma a repris "Blue Velvet". Rodolphe l'aborde à sa façon : décontractée, bancale, excitante. Il pensait au film bien sûr. Et puis il s'approprie le truc. "Blue Velvet", c'est le genre de truc qu'on fredonne avec des potes tout aussi fans de Kat Onoma en se moquant avec amour de l'anglais maladroit et de la diction excessivement ralentie de Burger sur ce morceau. En général, si on est en compagnie, les autres nous regardent avec circonspection, ils n'ont pas la moindre d'idée de ce qui nous fait marrer. C'est un plaisir pour initiés. On peut dire que pour toutes ces raisons "Blue Velvet" fait partie de moi. Vous comprenez maintenant pourquoi j'étais obligé de parler du clip de Lana Del Rey.