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Shearwater (Paris)
 

par Adrien Lozachmeur (12/12/12)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai vu Shearwater en concert. Vendredi soir, le groupe était de passage à la Boule Noire. Hélas, il faut bien constater que le groupe ne décolle pas trop dans l’hexagone. La salle est petite mais elle était à moitié vide. On devait être une centaine. C’est dommage, car Shearwater est un des meilleurs groupes actuels et je suis certain qu’il ne manque pas grand-chose pour que ça prenne. Il suffirait de quelques diffusions radiophoniques, ou d’un bon papier dans Les Inrocks ou Telerama. Mais que font les journalistes musicaux, bordel ! Ce matin, je feuilletais les journaux gratuits. Il était question de la sortie des albums de Patrick Bruel ou Booba. Je n’ai rien contre ces musiciens, ils ont le droit d’exister, c’est même une bonne chose qu’ils existent. Mais franchement tout est ramené au même niveau et ça m’agace parce qu’on passe à côté de certains talents au nom de cette relativité. C’est typiquement la nouvelle tendance des Inrocks. Oh ils vont parler de Shearwater mais à côté ils vont parler de Rihanna ou Julien Doré de la même façon. Tout est traité de la même manière. À force de tout relativiser, de tout ramener à la subjectivité du goût, on en oublierait que l’approche égalitaire a tendance à tout niveler vers le bas. On me dit parfois « oui mais le goût c’est subjectif ».

Ce qui m’agace au plus haut point. Admettre que le goût est relatif, c’est au fond admettre l’impossibilité de fixer quoi que ce soit qui ait un sens autre qu’une certaine forme de plaisir esthétique superficiel un peu bêta. Non, mille fois non ! Je crois que certaines œuvres sont supérieures à d’autres. Louis Ferdinand Céline ou James Joyce, c’est plus puissant que Grand Corps Malade. Mozart ou Beethoven, c’est supérieur à David Guetta. Et un film d’Antonioni c’est bien plus intéressant qu’une pub pour Red Bull. On peut aimer tout ça, les sphères ne s’excluent pas mais on n’a pas le droit de tout mettre au même niveau. Désolé. Il y a des choses que je n’aime pas mais dont je reconnais la haute exigence musicale. En général, j’ai envie d’évoluer mentalement pour arriver à les appréhender. Et il y a les choses qui n’ont que peu d’intérêt et pour lesquelles je n’ai pas d’intention d’évoluer. Et puis je pense que la relativité du goût masque aussi une certaine paresse intellectuelle.

Car développer le goût c’est aussi difficile que de s’améliorer en course à pieds ou améliorer son intelligence. Ça demande des efforts. Et en général, les gens n’admettent que l’effort nécessaire d’un cadre professionnel. Au-delà de ce cadre, il ne subsiste qu’une envie : celle de se déconnecter, de « poser » le cerveau. Le travail rend bête. Mais revenons à Shearwater. Un des meilleurs groupes actuels donc, au nom de ma subjectivité à vocation universelle (Kant). J’ai toujours plaisir à retrouver Jonathan Meiburg. Le groupe a changé, je ne reconnais plus les visages d’autrefois. Ce changement de line up va de pair avec le changement opéré sur le dernier album. Le son est désormais résolument plus rock, ce que j’apprécie particulièrement. Il me semble que Shearwater a trouvé là la puissance qui lui faisait un peu défaut auparavant. J’ai pris mon pied pendant le concert. J’ai été transporté par la rage de la rythmique et les circonvolutions vocales de Meiburg. Il déploie sa voix sur une gamme assez vaste, c’est son atout majeur. Le groupe a surtout interprété des morceaux rock, mais au sein de ces compositions complexes, il y a toujours des moments d’accalmie entre 2 souffles de tempête. C’est ça Shearwater : le froid et le chaud, à l’instar de la voix de Meiburg qui égrène les tonalités entre rage et quiétude. En tout cas la centaine de personnes présente était aux anges. Les gens gueulaient, il y avait de l’ambiance. Meiburg avait le sourire. Si ça se trouve ma petite colère est injustifiée, peut-être qu’il est très heureux comme ça : il compose sa musique et à côté il fait son boulot d’ornithologue. Possible qu’il n’en demande pas plus. C’est vrai que je n’aimerais pas le voir finir au stade de France. Je souhaite juste qu’il arrive à continuer à écrire des chansons. En attendant le début du concert, j’étais assis sur un des bancs flanquant les murs de la Boule Noire, à côté de Mishka Assayas. Ce gars-là c’est un des grands noms de la critique rock en France depuis le début des années 80. Il a écrit aussi bien aux Inrocks que pour Libé. Il a pondu un dictionnaire du rock. Il a aussi écrit un livre d’entretiens avec Bono, ils sont potes. C’est aussi le frère d’Assayas le réalisateur (« Clean »). Alors là on se dit que si ça trouve il va parler de Shearwater à Bono ou à son frère. Et si on les retrouvait dans la bande son d’un film ou en première partie de U2 ? Et si ce soir à la Boule Noire, quelque chose d’important se jouait l’air de rien ? Allez savoir,… J’aimerais bien que la musique de Shearwater se fasse connaître. J’espère juste que le succès serait mesuré. Je ne veux pas perdre Shearwater dans une dérive stadiste.