Wire : ces mecs là étaient un peu trop en avance, et ils étaient trop arty pour conquérir le grand public. En 1977, l'année de l'explosion punk en Angleterre, ils sortaient un premier album atypique. "Pink Flag" : chef d'oeuvre. La même année que le premier Clash et «Nevermind the Bollocks» des Sex Pistols. Il y avait tout là-dedans. L'excitation de l'époque puissance 10. Certains morceaux sont ultra rapides. Et aussi ultra excitants. Prenez "It's so obvious". 53 secondes au compteur, et tout est dit. C'était basique. Et en même temps, ça parlait aux intellos. Question d'ambiance et de textes. J'ai lu le qualificatif "situationniste" une fois. Je ne sais pas s'il y avait là une volonté de détruire le rock dans sa fonction de spectacle (parce que c'est ça le situationnisme : la fin du spectacle, et la puissance de la situation). Mais les grosses tronches devaient penser que les chansons les plus courtes détruisaient le concept même de chanson. «Pink Flag» donc. Là je le fais tourner sur la platine en écrivant mon laïus et ça le fait. C'est jouissif. Puissant et intello, je l'ai dit. Avec un sens mélodique incroyable. Et un démarquage par rapport aux poncifs punk. En fait «Pink Flag» porte déjà en germe toute la new wave. Les 2 chefs d'oeuvre qui suivent ("Chairs Missing" et "154") enfonceront le clou. En 1979, ils avaient tout créé dans le genre post-punk. Ils avaient déjà expérimenté la cold wave. Ce «Heartbeat» (au passage, tout le concert d'où c'est extrait est visible sur youtube) l'illustre parfaitement. Tension dans la voix, et montée en spirale. A l'époque, les premiers albums de Cure ou Joy Division n'étaient pas encore sorti. Wire avait même défini le style vestimentaire et l'attitude new wave avant tout le monde. Les punk se la jouaient épingles à nourrices, vêtements déchirés, coupes hirsutes. Eux c'était plutôt pantalon, chemise, cravate, et cheveux courts. En Noir et Blanc. On sortait à peine des années 70! Robert Smith a toujours revendiqué l'influence de Wire. Et j'ai entendu des mecs comme Bashung ou Miossec parler du choc de jeunesse que Wire avait représenté pour eux. Leur histoire se poursuit après la trilogie parfaite. Ils ont sorti quelques albums dans les années 80, et ils en ont encore sorti récemment. Je les ai même vus en concert à la Maroquinerie il y a un an ou deux. Avec un peu de bide et des cheveux blancs, ils sont un peu moins impressionnants qu'à l'époque et leur musique est moins décalée mais ça reste efficace. Disons que je fantasme plus sur le rock hiératique de la période 77-80. J'avais fait une compilation il y a quelques années. J'avais mis 2 morceaux parfaits de «Pink Flag» : «Feeling Called Love» et «Mannequin» (avec des paroles géniales - «you're a waste of space, you don't even begin» : déclaration d'un mec frustré à une fille trop belle, et sans doute un peu anorexique). Ecoutez ça très fort un jour de déprime, ça va vous requinquer. Je ne m'en lasse pas. |
