Il y a quelques années, aux transmusicales de Rennes (me demandez pas l’année, j’ai oublié), je vis apparaître sur scène un mec assez culotté pour se produire seul à la gratte (façon bottleneck), s’accompagnant avec quelques percus actionnées au pied, et seul au chant… Il se nommait Bob Log III et présentait une version actualisée de l’ « homme orchestre ». Et c’était nul : passé l’étonnement, on s’apercevait qu’il n’avait pas de compos, pas de chant (il cachait son absence de voix derrière un micro déformant celle-ci), et son jeu de guitare, certes adroit, était répétitif. Aujourd’hui, j’ai été voir en concert « The legendary tigerman » (c’est le pseudonyme à coucher dehors du Portugais Paulo Furtado) : il est lui aussi un homme-orchestre-bluesman, mais, il représente en quelque sorte l’opposé de son prédécesseur Bob Log III. D’abord, sa voix est formidable : elle fait l’amour avec le micro, à la façon de feu Lux Interior (Cramps) ou celle d’Alan Vega (période du premier album de Suicide). Ensuite, ses compos sont excellentes, et il sait y intercaler des reprises de haute-volées (« (get your kicks on) route 66 », « boots are made for walking », ou « she said she said »). Enfin, son jeu de guitare est bon, alternant ambiances tranquilles et blues-boogie plus agressif. Ce soir, à la Dynamo à Toulouse, il a joué devant un parterre de connaisseurs autant de chansons piochées dans son (excellent) premier album « Masquerade » que dans son dernier album, « Femina ». Pour contourner le problème de l’absence de ses comparses féminines sur les duos de « Femina », il s’accompagne de films : c’est sympa mais on aurait préféré la voir en vrai, Asia Argento ! La présence scénique du bonhomme est énorme, sa musique est simple et directe, ça parle à tout un chacun. Il me fait penser à un Tom Waits jeune qui aurait oublié chez lui ses casseroles et les bruits qui vont avec : souhaitons lui le même succès que le vieux bluesman à la voix éraillée. Ah, qu’il est bon de sentir que le blues respire encore, et de voir qu’il sait encore émouvoir nos oreilles blasées. |