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Rock Story #16 : Jefferson Airplane
 

par Adrien Lozachmeur (29/04/10)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

1865 : publication d'Alice au Pays des Merveilles par Lewis Carroll.

Carroll était en bute à la société de son époque. Individu à part, bègue et gaucher, il rejettait le monde adulte trop figé. Il préférait le monde fantastique et les rêves, il aimait les enfants parce que les enfants vivent dans l'empire de l'imagination. Son oeuvre était une tentative d'échapper à la réalité. Il créait un monde par delà le miroir, un monde où tout est possible.

1967 : un frémissement. Le monde allait changer. Les règles volaient en éclats. Le mouvement hippie se développait sur fond de contestation du Vietnam. L'amour libre était prôné, et la consommation de drogues explosait. Les visions lysergiques (liées au LSD) avaient un côté à la fois récréatif et spirituel. On ne connaissait pas encore les drogues dures qui allaient apparaître dans les années 70 et qui allaient pas mal contribuer à tuer l'élan, transformant de doux agneaux en épaves.

San Fransisco était l'épicentre du phénomène et la musique de Jefferson Airplane en était la bande son. Le groupe incarnait plus que tout autre le nouvel état d'esprit. Plus que les Doors, trop sombres. Ils venaient du folk. Sous l'influence des drogues et des sons orientaux alors très à la mode (parce qu'incarnant cette musicalité spirituelle dont la société de consommation était avide), ils inventèrent avec d'autres le rock psychédélique. Leurs chansons étaient engagées. Ils défendaient ce en quoi ils croyaient : le pouvoir de l'esprit, l'amour. Ils pouvaient aussi avoir des textes violents contre le système (collons les banquiers au poteau). Le fonctionnement était démocratique, il n'y avait pas qu'un chanteur. Sur le second album qui connut un succès énorme, Grace Slick chante deux morceaux qui devinrent des tubes. "Somebody To Love" est le plus connu. Le second était "White Rabbit". Elle y raconte l'histoire d'Alice dans une optique très psychédélique. Alice avale des pillules pour grandir ou diminuer de taille, elle suit un lapin, elle tombe dans un trou, elle croise une chenille qui fume du narguilé, elle voit la reine blanche qui avance à reculons. Ce rapprochement avec l'oeuvre de Carroll n'est pas étonnant. Les drogues, la musique étaient alors considérées comme une voie d'accès vers un ailleurs, loin de cette morne réalité où le pognon et la violence étaient rois. Le clip de "White Rabbit" vaut son pesant de cacahuètes. Passons sur l'indentité des musiciens, qui avaient tous autant d'importance dans cette république musicale qu'était le Jefferson Airplane. Grace Slick est momentanément en avant sur ce titre. J'adore la façon dont elle fait monter le chant, jusqu'au paroxysme final. La rythmique est martiale. J'aime beaucoup le son de guitare planant de Jorma Kaukonnen. C'est lui le côté rock du groupe. Look original : bandeau, cheveux longs, verres fumés. Au fond, des visions sous acide assez étranges.

Jefferson Airplane a connu les sommets des charts et nous a laissé de très bons albums qui sont toutefois un peu datés aujourd'hui. Ils sont surtout très mal remasterisés sur les versions CD qui manquent cruellement de souffle. Ceci dit, on peut écouter ça et se transporter à la fin des années 60. En un sens c'est une musique qui permet un voyage spirituel dans le passé.

Le groupe reste très présent dans les souvenirs américains. Le cinéma nous le rappelle. Dans "Las Vegas Parano", adapté de l'oeuvre d'Hunter Thompson, il y a une scène à hurler de rire. Dans la salle de bain de la chambre d'hôtel, on voit le personnage de l'avocat interprété par Benicio Del Toro drogué jusqu'à la moelle et complètement flippé qui entend "White Rabbit" à la radio. Il attend que ce salopard de lapin sorte du poste pour le descendre. Plus récemment, le film plus ou moins autobiographique des frères Coen ("A Serious Man") montre un gamin (un des frangins?) qui écoute Jefferson Airplane. Le voilà face un grand Rabbin énumérant les noms des musiciens du groupe! Quant à Alice, déjà immortalisée sur la toile par Disney, ou en chanson par Gainsbourg (là le monde imaginaire d'Alice est abordé sous un angle différent digne du côté pervers du grand Serge) elle se retrouve à nouveau au premier plan avec l'adaptation de Tim Burton.

L'imagination ne mourra jamais. L'esprit est plus fort que la matière.