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The Cure (Paris)
 

par Adrien Lozachmeur (13/03/08)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

Alors qu’ils n’ont pas sorti d’album digne de leur statut depuis près de 20 ans, les Cure n’ont jamais été aussi bons sur scène. Pendant près de 4H, ils ont enchanté les spectateurs d’un POPB complet, mêlant dans une même communion plusieurs générations. Ca bougeait, ça sautait, ça dodelinait, ça dansait, dans la fosse comme dans les gradins. J’avais vu 4 fois le groupe en concert depuis 1995 mais il y avait quelque chose de plus hier soir : le groupe était en forme, je ne les avais jamais vus jouer aussi longtemps et en plus le répertoire était impeccable : on était au passage soulagé de voir que les morceaux trop longs et ennuyeux de ces dernières années avaient été laissés au rencart, au profit des classiques, TOUS les classiques, alors qu’on aurait pu s’attendre à des choix forcément frustrants. Sous ses airs de Jacques Villeret de musée Grévin, sous son maquillage qui le fait désormais plus ressembler à une vieille fille de joie sur le retour qu’à un pierrot lunaire androgyne, Robert Smith chante toujours aussi bien. Sa voix inimitable, à la fois enfantine et inquiète, cristallise encore toutes les aspirations d’adeptes en mal d’abîmes romantiques. De ses doigts boudinés parcourant le manche de sa guitare, il décline toujours à l’envie ces arpèges à la fois percutants et délicats qui font penser à un carillon dans le lointain. Son complice de toujours, le bassiste Simon Gallup, tient la rythmique à la sueur de son front. Ah cette basse ! Elle donnerait envie de danser à un cul-de-jatte. Derrière le batteur Jason Cooper est bien meilleur que Tolhurst qui officiait dans les années 80. Le son boîte à rythme de l’époque a laissé la place à un frappement primal puissant entrecoupé de fractures rythmiques d’une efficacité redoutable. Peut-être Porl Thompson à la guitare était-il un peu en retrait mais passons.

Il est environ 20H15 lorsque retentissent les premières notes évaporées de « Plainsong », manifeste parfait de torpeur romantique. Suit « Prayers For rain » pour rester dans la lignée, avant que le groupe ne revisite avec brio ses meilleurs morceaux. Il ne subsiste quasiment rien de ce que Robert a pondu depuis 1992. Rien de « Wild Mood Swings », rien de « Bloodflowers » qu’un Robert en manque de lucidité qualifiait pourtant de chef d’œuvre il n’y a pas si longtemps, juste 2 morceaux du dernier album en date « The Cure » (en attendant la sortie imminente du prochain). Outre les 2 morceaux d’ouverture, « Disintegration » est à l’honneur avec l’arachnophobique « Lullaby », les pop songs « lovesong » et « Pictures Of You » ou encore l’existentiel « Disintegration ». Un jeu très agréable à un concert des Cure consiste à essayer de deviner le morceau qui suit. On reconnaît “From The Edge of the deep green sea”, “Friday I’m In love », “Wish Impossible Things” rescapés du très noisy pop “Wish”. Dans cette première ligne droite, les morceaux de la première trilogie mythique sont peu nombreux : restent le pêchu “Primary” de l’album « Faith » et 2 morceaux de « Pornography » : “A Strange Day » ou encore le nihiliste « One hundred years ». A ce moment là on ne s’étonne même plus de voir cohabiter dans un même set de tels morceaux et les sucreries pop qui flirtent parfois avec la mièvrerie (et pourtant je les aime ces morceaux, on dirait des masques, je les aime plus pour ce qu’elles cachent que pour ce qu’elles expriment en elles-mêmes). On a aussi le droit à « Kyoto Song », au baudelairien « How Beautiful You Are » (inspiré d’un texte du poète maudit), à l’excitant et psychédélique « Shake Dog Shake », au très disco « The Walk », ou encore à la Wah Wah de « Never Enough ». Quelques morceaux nouveaux sont défendus, rien de transcendant, on attendra de juger sur disque. La partie principale du concert s’achève dans la transe sur « In Between Days » et « Just like Heaven ». A côté de moi, ça pogote grave. Devant moi un allumé échappé de je ne sais quel trip mystique est quasiment en prière.

A ce moment là le concert est loin d’être terminé. Il n’y aura pas moins de 4 rappels ! Chaque retour est lié à une thématique. 1er rappel : voilà les morceaux mélancoliques et brumeux de « Seventeen seconds » : l’ode à la femme aimée « M », l’angoissant « At Night », le colérique « Play For Today », et bien sûr « A Forest », un des grands moments attendus. Les premières notes se déploient et c’est le délire. Smith chante l’histoire de cet homme perdu dans la forêt, la basse est énorme ! Alors bien sûr on peut trouver étrange de voir le public reprendre en chœur l’air principal comme s’il s’agissait d’un hymne de stade, on se demande ce que ça ferait d’entendre le public chanter et danser sur « She’s lost Control » dans une enceinte de cette dimension, mais en même temps on ne boude pas son plaisir. Au moins ce soir personne ne vient se suicider aux pieds du chanteur!

2e rappel : très très pop, un alignement de confiseries. Le groupe égrène ces « let’s go to bed », « lovecats » (Robert rappelant au passage qu’il a été enregistré à Paris), « Close To me », « Why can’t I be you », comme à un bal de maniaco-dépressifs dans leur phase euphorique.

3ème rappel : là on touche à la genèse du groupe avec toutes ces merveilles pop qui redéfinirent en leur temps les canons esthétiques des années à venir : « Fire In Cairo », « Grinding Halt », « Boys don’t cry », « 10 :15 Saturday Night », « Killing An Arab », « Three Imaginary Boys », tout, on a le droit à tout !

Et on croit que c’est fini mais pas du tout. Sur un dernier rappel, le ton se fait plus solennel, sur ma droite je vois un type qui se prend la tête, les yeux fermés. « Faith » clôt merveilleusement la soirée. La basse est toujours là, Gallup a l’esprit d’un marathonien. Elle soutient les circonvolutions atmosphériques de ce morceau religieux, plus marqué par le doute que par la croyance. A l’époque où il a enregistré ce morceau, Robert Smith cherchait désespérément la foi mais il ne trouvait que quelque chose de creux, vieux et vide. Ce soir, au POPB, il était en grande forme. Je ne sais pas si on peut en déduire qu’il a trouvé la foi, mais en tout cas il l’a sans doute insufflée dans plus d’une âme. A minuit, tout était dit. Les gens se dirigeaient vers le métro, heureux, avec l’impression d’avoir assisté à une cérémonie étrange, une messe qu’ils n’oublieront pas de sitôt.