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Cat Power un jukebox plein comme une boîte à bonbon
 

par Jeffrey Lee (10/03/08)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

« Jukebox », le dernier opus de Cat Power, est un ensemble de chansons qui se dégustent comme un assortiment de bonbons. On adore certaines et on les consommera sans modération. D’autres, qu’on aime moins, restent au fond de la boîte. Chan Marshall, forte de deux albums plébiscités par la presse et par un certain public avide de belles voix (voir les succès d’Alela Diane et autre Channon Wright), ressort un album de reprises, exercice où elle excelle. Mais là où son précédent essai s’était révélé être un sans faute (le remarquable « The covers record », 2000), cette fois on trouvera des fautes de goût, des dérapages fâcheux… Fâcheux mais rattrapés hauts la main par quelques morceaux merveilleux qui confinent au sublime.

La voix de Chan Marshall s’enrichit avec le temps : la clope, l’alcool, ça vous métamorphose une voix d’écorchée vive en une onde divine qui vous titille des oreilles aux petit cervelet en passant par les talons … Tout l’album est portée par cette voix. L’accompagnent de talentueux routards, habitués des studios : ne citons que JimWhite (batterie – Dirty Three) et Judah Bauer (guitare – John Spencer Blues Explosion) pour en rester aux plus célèbres. Ils savent souligner cette voix feulant comme un mascara délicat souligne un regard de braise.
Soyons francs: l’album commence assez mal. Les deux premières reprises sont ratées. Ce sont les bonbons à l’orange et à l’alcool de cerise. J’aime pas trop, tant pis pour Sinatra (New York) et Hank Williams (« Ramblin’ woman ».) L’album ne commence vraiment qu’à la troisième chanson, une pépite, reprise de… Catpower (Moonpix, 1998), d’une puissance époustouflante, terminant dans une apocalypse bruitiste : cette chanson suffirait par elle-même à justifier l’album. Et pourtant… s’enchaîne un « Silver Stallion » qui, après plusieurs écoutes, s’avère être la pierre de faîte de l’édifice. Cette chanson country naïve, interprétée par Catpower, révèle la petite fille rêvant de chevauchées fantastiques dans le firmament. Les larmes vous viennent aux yeux, toute cette innocence à vos pieds, joyau enrobé de cette voix nacrée, si mûre. Finies les attitudes outrancières, la petite fille apparaît nue devant vous. Quand cette femme, qui en a bavé, trop fragile pour ce monde, vous chante ça : émotionnellement, c’est très fort. La chanson s’arrête trop vite, on chevaucherait à jamais avec elle.

Et là paf ! Coup de bambou. Une reprise d’Aretha Franklin plutôt ratée, alors qu’on la savait à l’aise avec le répertoire soul (voir « The Greatest » et sa tournée « You are free », jalonnée de reprises soul.) C’est le bonbon amer. Il faut bien quelques chansons pour faire passer la pilule : portées par la guitare bluesy de Bauer, les deux chansons suivantes nous remettent en selle (« Lord help the poor and the needy », « I believe in you »). On rentre à nouveau dans l’univers de cette voix, même si cette version du « I believe in you » de Dylan, très « stonienne », nous porte à contre courant de l’aspect intime entendu auparavant. Dylan que l’on retrouve, de plein fouet, dans ce « Song to Bobby », où Chan se livre à nouveau, à genoux devant son idole personnelle : cette chanson, bien que signée Chan Marshall, est ce qui se rapproche pourtant le plus du Dylan de « The freewheelin’ » depuis « The freewheelin’ », justement. Et je n’en rajoute pas ! Ritournelle simple, répétitive, on croirait imaginer le jeune Zimmerman singeant ses glorieux aînés. Le phrasé de Dylan est là, porté par cette voix si belle… on en chialerait à nouveau.

L’album se termine dans un état second. On se réveille tout juste pour passer au CD de « bonus », à savoir cinq titre merveilleux, à ne louper pour rien au monde. Après un « I feel » qui vous replonge dans l’ambiance quittée sur le « Blue » emprunté à Joni Mitchell, éclate dans l’air une nouvelle version de « Naked if I want to » (déjà reprise des «Moby Grapes sur « the covers record »), cette fois portée par une guitare et surtout une batterie de haute volée, qui vous portent au 7ème ciel. La voix de Chan Marshall est à ses limites. En fin de phrase, la voilà le souffle court ! Nous aussi ! Celui là est mon bonbon préféré, celui qui a un goût d’absolu, tel que c’en est presque douloureux. Alors quand le « Breathless » qui suit retentit, il nous laisse exsangue. Merveilleuse reprise de Nick Cave, rien qu’à l’évoquer j’en ai la chair de poule ! Puis deux chansons terminent l’album en beauté (reprise d’un classique espagnole, en VO, au passage), le frisson retombant doucement comme la dernière note retentit.

Des mauvaises langues diront que quand certains bonbons ne sont pas bons dans un paquet, alors il faut jeter le lot… Mon attitude, c’est goûter, encore et encore, et savoir reconnaître et savourer l’absolu quand on a la chance de tomber dessus… Cet album, je sais y reconnaître mes bonbons préférés, je ne le jetterai pour rien au monde ! A vous de picorer, faites votre choix, cet ensemble de chansons est riche, nul doute que vous y trouverez votre compte !