Recherche

 
 
Tiefschwarz - Chocolate
 
Nico Yaryan - What A Tease
 
Pegase - Another World
 
Josh T Pearson - Last of the Country Gentlemen
 
Lontalius - I'll forget 17
 

Le Petit Rapporteur

 
 
Nada Surf
 

par Mathieu Muller (02/03/08)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

Pour l'interview de Daniel Lorca, bassiste de Nada Surf, je venais avec ma liste de questions travaillées et la pression de rencontrer un pilier du Pop Rock Indépendant. Avec Nada Surf, il tourne et enregistre depuis près de 15 ans. Résultat: Quatre albums, et un cinquième sorti en Février, Lucky, magnifique, à mettre dans la voiture lorsqu'on roule vers l'Ouest.

Lorsque l'attaché de presse a fermé la porte d'une loge perdue dans les labyrinthes de la Maison de la Radio, il laissait derrière lui un journaliste aux mains et voix tremblantes.

Trente minutes plus tard, lorsqu'il revint, il le retrouva une bière à la main, assis tranquillement au fond de son fauteuil, surpris par le temps. Une feuille de questions inentamées gisait abandonnée sur la table.

Tout ce dont je me rappelle, c'est d'avoir demandé comment cela allait, et puis c'était déjà fini.

Bonjour Daniel, comment ça va?

Je suis crevé. On revient de 5 jours en Espagne. C'est toujours très difficile pour moi là-bas. Depuis 3 mois on enchaîne quasiment tous les jours. Un ou plusieurs shows de promos en acoustique la journée, les interviews, et le soir les concerts. On prend parfois plusieurs avions par jour.
Alors en Espagne, cela devient vraiment dangereux pour moi. Je suis originaire de là-bas, alors en plus du reste je vois les potes jusqu'au petit matin.
En plus comme je parle espagnol, je fais toutes les interviews et je suis sollicité pour tout. L'autre jour on enregistrait pour une émission de télé à laquelle on participe depuis plusieurs années, un concert électrique devant un petit public. On adore, mais dés qu'on débarque c'est « Daniel ci, Daniel ça », « qu'est-ce qu'il a dit le batteur? ». Il y a même des gens du programme qui m'ont demandé au moment où je montais sur scène: « mais tu joues aussi dans le groupe? ».

Vous faites les shows de promos en acoustique. C'est nouveau pour vous?

En fait non, on a toujours aimé jouer en acoustique. Avec notre groupe précédent, je jouais avec la basse acoustique. Là j'ai ma basse électrique parce que la housse de mon électrique a été détruite dans un transfert en avion. Mais sinon je l'emmène toujours.
Je l'ai achetée il y a 23 ans! J'étais à un concert des Violent Femmes, Brian Richy totalement flippant qui pète 5 cordes de basse acoustique en un seul show. En sortant, je me suis tout de suite acheté une basse comme une des siennes.
Après on allait à Central Park, Matthieu (Matthew Caws, guitare et chant de Nada Surf) amenait sa guitare, j'amenais ma basse acoustique et on jouait. Quand Ira (Ira Elliot) nous a rejoint à la batterie il y a une quinzaine d'année, je lui offert un Cajòn pour Noël. C'est une percussion qui était très utilisée pour le Flamenco mais elle est géniale aussi pour tous les styles. C'est une caisse en bois, mais ça a un son d'enfer!
On a toujours voulu faire une tournée acoustique. Nous trois dans une bagnole! On avait essayé d'en faire une il y a 3 ans en Espagne. Mais ça avait complètement foiré. On voulait jouer dans des bars ou des cafés, et puis le tourneur nous avait programmé comme un groupe électrique. On se retrouvait dans des grandes salles à passer après des groupes hyper speeds. On a fini par jouer avec les instruments des autres groupes.
Il y a aussi un mec qui est génial dans ce style: Jonathan Richman. Il a fait des tournées tout seul avec son ampli et puis après avec un batteur. A New-York, il passe depuis que je suis tout petit.
Pour ça, New-York était une super ville. A vingt ans on avait pu voir tous les groupes, de James Brown aux Ramones ou Iggy Pop. Matthieu a même vu U2 dans une petite salle pour la tournée Joy.

Tu n'habites plus à New-York?

Non, j'ai déménagé en Europe maintenant. New-York n'est plus pareil depuis le 11 Septembre. Le 10 Septembre tout le monde prenait Bush pour un clown. Le 12 plus personne ne pouvait dire quoique ce soit ou formuler la moindre critique sur les Etats-Unis d'aujourd'hui ou des 40 dernières années.

Que faisais-tu ce jour là?

J'étais dans l'eau en train de faire du surf à Long Island quand c'est arrivé. J'ai vu la plume de fumée et je me suis dit qu'ils avaient rouverts les cheminées d'incinération de Long Island. Quand j'étais petit ils brûlaient les déchets là-bas. Et puis dans la voiture on a appris ce qui s'était passé. Je n'ai pas pu rentrer chez moi. New-York était bouclé. Je n'arrivais pas non plus à joindre les gens que je connaissais pour savoir si ils allaient bien. J'avais travaillé au World Trade Center et je connaissais encore des gens qui y bossaient.
Matthieu était à Grenade en Espagne en train de produire un disque de copains à nous, Clovis. Il a pris le premier avion qui rentrait aux Etats-Unis et puis des bus pour pouvoir rejoindre New-York. Quelques jours après on s'est retrouvé dans un bar au milieu de la nuit. Je voulais absolument lui parler car l'ambiance à New-York m'empêchait de dormir. On était vers Williamsburg, quartier super hype de New-York, et au milieu de la conversation, alors que les clashs tournaient sur le Juke-box, trois gars entrent en criant des propos anti-arabes. On a faillit se battre ce soir là. Pourtant on avait aussi perdus des potes.

Cela ne vous a pas donné envie de revenir au punk-rock garage?

Non. Effectivement, la musique peut te bouger à un point où tu peux t'en servir pour exprimer une sorte de rébellion. Mais on a déjà fait ça, avant. Aujourd'hui on préfère mettre un autre sens derrière notre musique. Politiquement, on s'engage en faisant des concerts de charité. On a aussi beaucoup milité pour faire venir les gens aux urnes.

Alors comment sens-tu l'avenir?

Tu sais, j'ai vraiment peur pour l'avenir. En Europe je me sens rassuré par la séparation entre l'Eglise et l'Etat. Même dans les pays très religieux comme l'Espagne, même un gars de droite ne dirait pas dans un discours politique « Que Dieu protège l'Espagne ». Aux Etats-Unis, il y a un tel fondamentalisme ancré dans la culture, qu'il est impensable de ne pas finir un discours officiel sans « God Bless America ». J'espère vraiment me tromper mais j'ai peur que les Républicains passent à nouveau.

Heureusement votre nouvel album s'appelle Lucky!

Oui, mais ce n'est pas un Lucky au sens individuel, ou de la chance que l'on a d'être Nada Surf! C'est justement dans le fait de devoir se rappeler d'une certaine chance que l'on a tous. Entre voir le verre à moitié plein ou à moitié vide, il faut parfois se forcer à le voir à moitié plein. Tout va peut-être sauter un jour mais pour l'instant ca tient encore, alors ça va. Tu pourras plus profiter de la vie si tu essayes de la voir comme ça.

Vous aviez beaucoup travaillé avec Chris Walla sur the Weight Is A Gift, votre album précédent. Comment cela s'est-il passé pour Lucky?

Chris est aussi dans les crédits du nouvel album, car il y a trois chansons que l'on avait déjà commencées avec lui pendant l'enregistrement de The Weight Is A Gift. On avait déjà fait une première version de See These Bones et The Fox qui étaient mes deux chansons préférées.
Toutes les autres chansons ont été enregistrées avec John GoodManson.
Les autres collaborations se sont faites très naturellement. Pour The Fox, on était au loft à Brooklyn, le titre était déjà enregistré. Ira était à la maison pour enregistrer des percussions, j'étais en train de préparer à dîner pour Coralie Clément qui était là aussi ce soir là. Les pistes étaient montées et on s'est dit que cela serait pas mal d'ajouter un truc comme si c'était la fin du monde, des voix super hautes, des harmonies, l'Apocalypse total! Coralie a enregistré ça en deux minutes. Elle a superposé les voies, c'était incroyable.
A Seattle on connaît aussi pas mal de groupes par l'intermédiaire de Barsuk. Les Death Cab étaient venus dîner au studio. J'étais en train de cuisiner et Matthieu était en bas en train d'enregistrer des coeurs. Il est monté pour voir où j'en étais. Je lui ai dit qu'il me fallait au moins ¾ d'heure pour finir. Ben (Ben Gibbard, chanteur de Death Cab For Cutie) est descendu enregistrer des coeurs en attendant!

Voilà, c'était fini. Avec mes 20 questions orphelines qui trépignaient sur ma feuille, c'était sûr, j'allais me faire engueuler par la rédaction.

Pourtant, j'avais le sentiment que c'était ainsi que devait être mon interview avec Daniel Lorca: un petit frère qui écoute le grand.

Merci Daniel.