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Béatrice Ardisson
 

par Pierre Derensy (05/05/07)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

Pour les mégalomaniaques de musique dans mon genre, Béatrice Ardisson est donc une femme que l'on souhaiterait épouser comme l'on se pousse parfois à croire aux chimères, ou faute de mieux, l'avoir comme meilleure amie, notamment lors d'une convention de disques pour faire bisquer ses meilleurs copains, eux aussi addicts aux perles mélodiques, rareté et bizarrerie sous format 3 minute 30. Tous les albums signés de sa griffe frisent l'excellence. Dans tout les cas de figure : imposé ou libre, de l'ordre du fantasme ou de la pure réalité, c'est le genre de fée à qui l'on voue une haute-fidélité.

Plutôt qu'illustrateur sonore pour vous qualifier, j'aimerais vous baptiser couturière mélodique, acceptez vous le titre ?

Béatrice Ardisson : «Oh oui ! ça me plait beaucoup. L'univers de la mode, c'est de là que je viens et c'est vrai qu'il y a beaucoup de points communs avec la musique.»

Votre travail est un travail de haute couture ?

Béatrice Ardisson : «Effectivement, ce que je fais, ou plutôt ce que j'essaye de faire, n'est pas du tout du prêt à porter (rire).»

La musique c'est comme la potion magique : on tombe dedans quand on est toute petite ?

Béatrice Ardisson : «Oui ! ça c'est sur. Ma mère me faisait écouter les Beatles quand j'étais dans son ventre, donc à mon avis, c'était déjà un bon début, j'ai en plus un père qui adore la musique, il écoutait tout et n'importe quoi, c'est sûrement pour ça que je continue d'avoir des goûts très éclectiques. Et puis, j'ai joué du piano pendant 10 ans. mais ce n'était pas un métier, c'était vraiment une passion. Le jour où j'ai réalisé que je pouvais, en plus, en faire un travail, là c'était le bonheur absolu.»

Cette passion, la communiquez vous à vos enfants ?

Béatrice Ardisson : «Oui. Mes enfants ont 18, 15 et 10 ans et ont tous un style musical différent. Mon fils est lui carrément Sex-Pistol, punk, rocker, il monte son groupe de rock à 10 ans. Ma fille du milieu, c'est plutôt brit-pop, elle va aux concerts des Klaxons : c'est donc ma branche un peu pointue (rire), quand à l'aîné, c'est plus classique : cela va de Trenet au Rn'B en passant par un peu de rap. C'est très marrant, car ils ont tous un style distinct. Et avec leur père, là c'est carrément tout le monde ! Ils ont tous leurs avis, ils travaillent avec moi en me proposant des choses.. C'est assez marrant dans la famille.»

Dans le premier volume de la musique de Paris Dernière, il est noté « La première fois c'est émouvant, c'est romantique. Les fois suivantes, souvent c'est mieux, parce que là on sait exactement ce qu'on fait ». C'était pour parler des reprises mais est ce le cas également quand on arrive au 5ème opus de la série ?

Béatrice Ardisson : «Je me sens plus sure de moi maintenant que lorsque j'ai commencé. Au départ, j'avais arrêté de travailler, j'élevais mes enfants en Normandie, je n'étais pas du tout partie pour recommencer. Cela s'est fait un peu par hasard. Je me suis passionnée pour ça, et là maintenant sur le « Paris Dernière 5 » et « Le Bowie Mania » je contrôle beaucoup mieux.»

Chez les flics, il y a les tontons, des indicateurs, chez Ardi-Song c'est une équipe bien définie où chacun, de partout, apporte sa contribution au projet ?

Béatrice Ardisson : «On est une toute petite équipe. 3,4 personnes. Et il y a plein de gens qui gravitent autour de nous. Des journalistes, des gens qui aiment la musique. C'est une petite nébuleuse. J'ai besoin de ce joyeux bordel, d'ailleurs c'est une grande discussion avec mon mari car pour lui c'est l'inverse : tout doit être carré, contrôlé alors que moi j'aime bien quand on lâche prise, que ça part dans tous les sens, car c'est à ce moment là qu'on trouve vraiment des choses intéressantes.»

Dans vos collections, il y a une tendance aux rythmes chauds, latino, c'est un hasard ou il y a beaucoup de vos goûts dans ces reprises là ?

Béatrice Ardisson : «Dans les choses tropicales ? disons que j'ai des origines sud-américaines, enfin j'ai de la famille en Argentine : des basques partis là-bas. Mais en fait, je refuse de choisir un seul style musical. Car personnellement, à certains moments, j'ai envie de n'écouter que du rock, là par exemple en ce moment très rock. Il y a eu « Paris-Dernière 3 » qui fut un moment plus énervé et parfois, j'ai besoin d'un seul coup, de plus de calme, de chaleur. Ce coté de moi se dessine effectivement avec la musique latine. C'est ça qui m'intéresse : de pouvoir voyager d'un continent à l'autre sans arrêt.»

C'est plus facile de retrouver des titres étrangers, il me semble, sur vos albums, que des chansons françaises?

Béatrice Ardisson : «C'est peut être une question de génération. Je ne suis pas une enfant du rock au départ mais plutôt une enfant de la FM, c'est à dire la génération d'après avec cet accès à la musique non-stop. C'est une question de culture. On a été bercé par des titres majoritairement anglo-saxons, j'aime bien les classiques dans la chanson française mais j'ai un peu plus de mal avec les nouveautés. C'est pas ce que j'écoute facilement. Je suis plus tournée vers les chansons anglo-saxonnes.»

C'est encore trop tôt pour envisager un disque de la nouvelle chanson française qui reprend des vieux golds ou ce n'est simplement pas « bandant »?

Béatrice Ardisson : «C'est plus complexe à faire. Pour le rendre un peu sexy, ça doit être un sacré travail. Je pense que ce serait possible mais ce n'est pas le projet que j'ai envie de faire en premier (rire).»

Les petites histoires d'Yves Bigot dans chaque album, c'est indispensable ou simplement un plus, la musique se suffisant à elle même ?

Béatrice Ardisson : «Il a carte blanche Yves, quand je fais un disque je travaille en collaboration avec Florence Deygas qui fait les graphismes, c'est quand même la fille qui a gagné un concours sur Internet pour faire le générique de «Catch Me If You Can » ce qui est pas mal ! ça fait 8 ans qu'on travaille ensemble et j'adore ce qu'elle fait. Et Yves qui écrit pour Paris Dernière et qui signe les textes. Ils ont tous les 2 leurs domaines, moi j'interviens jamais là dessus. C'est un projet créatif, artistique. J'aime l'idée qu'ils s'éclatent à faire ça. Je voulais vraiment qu'il y ait une signature. Les écrits, la pochette c'est ce qu'on ne peut pas télécharger. Il faut avoir l'objet dans son ensemble !»

Béatrice vous êtes pour moi le contre exemple à la folie Internet : c'est à dire que vous êtes une base de données mais une base de données de qualité avec beaucoup de soins sur l'objet !

Béatrice Ardisson : «Le MP3 a un côté big jetable qui n'est quand même pas beau. C'est pratique. Alors que lorsqu'on aime le disque, les gens qui collectionnent les vieux vinyles, ils aiment la pochette également. Ca dans le CD, ce n'est pas encore très abouti. J'ai toujours milité pour ça depuis le début, la seule façon de lutter contre le téléchargement, c'est justement qu'il y ait un plus !»

Pourquoi mettre une ghost track à chaque fin d'album ?

Béatrice Ardisson : «Car cela m'amusait de vérifier que les gens écoutaient mes disques en entier ! (rire). Je sais ainsi ceux qui me parlent « du fantôme » et les autres !»

Il y a les musiques de Paris Dernière et les thématiques « mania », le dernier en date c'est David Bowie, là c'était plus pour faire plaisir à votre mari ?

Béatrice Ardisson : «Là c'est parce que l'éditeur de Bowie en France est venu me voir, il y a un an et demi pour me demander si j'étais intéressée de travail sur ce projet. Evidement je n'allais pas dire non ! ce n'est pas le genre de projet que l'on refuse. Cela m'a énormément fait plaisir que ce soit lui qui vienne me voir, parce que cela n'aurait pas tout à fait eu le même cachet si c'était venu simplement de moi. J'aurais été un peu prétentieuse je crois, c'est un sacré morceau. Du coup cela m'a rassurée et je me suis passionnée pour le sujet.»

Ces albums peuvent ils être déclinés à l'infini ou il vous semble temps de sortir un nouveau concept ?

Béatrice Ardisson : «Alors, ce que je suis en train de faire avec « Mania » c'est déjà une évolution. Ce que je fais avec « Paris Dernière » c'est la musique de l'émission, des reprises énervées, rock, douces, etc. Si j'ai fait « Mania » c'est parce que je voulais pouvoir utiliser le reste et surtout en faire une vitrine pour des gens émergeants qui n'ont pas forcément l'occasion de passer à la radio. Dans le « Bowie Mania » il y a la moitié des titres qui sont faits par des nouveaux groupes, il y a Emilie Simon qui m'a fait un titre spécialement. Elle a repris «Space Oddity» pour l'occasion et on ne l'entendra pas ailleurs. Et l'on a fait une soirée à la Flèche d'Or où les groupes sont montés sur scène. J'aimerais bien que ça devienne ça. Pour différencier la collection et surtout pour faire vivre le disque. C'est à dire que lorsqu'ils sont montés sur scène, d'un coup, mon disque est devenu humain, ce n'était plus juste des titres.»

Diffuser ces concerts à la télévision ce serait possible ?

Béatrice Ardisson : «Ho la télévision, il y en a déjà un dans la famille (rire). Ce n'est pas mon mode d'expression. S'il faut le décliner quelque part, ce sera plutôt sur Internet.»

Avez vous déjà rajouté sur votre CV : ambiance sonore d'un film ou est ce un projet qui vous titille ?

Béatrice Ardisson : «J'ai Etienne Chatiliez qui m'avait demandé un titre pour une séquence dans l'un de ses films. Là j'ai été contactée pour l'ensemble d'un film. C'est compliqué le cinéma, ce qui m'intéresserait vraiment, c'est de travailler avec un musicien sur une musique originale. Parce que reprendre des titres qui existent déjà au vu des questions de droit et d'image, c'est assez casse-pied. On les a pas, ça coûte une fortune.»

Et pour les disques, ce côté contractuel est pesant ?

Béatrice Ardisson : «Oui c'est dur. Pour le Bowie par exemple, je n'ai pas eu le titre de Marilyn Manson parce qu'il n'est pas publiable, j'ai des tas de refus et après, à chaque fois je dois refaire ma liste pour que ce soit cohérent. C'est un peu galère. Heureusement j'ai une maison de disque patiente. Mais les disques sont des vrais plaisirs ! ils ne font pas bouillir la marmite d'Ardi-Song, on fait aussi des tas de musiques pour des lieux et c'est ça qui nous fait vivre. Le disque c'est le plus !»

Un petit jeu sans conséquence, comme la musique peut exprimer tous les sentiments. une chanson qui symbolise l'amour ?

Béatrice Ardisson : « 'What's Going On' de Marvin Gaye.»

Une qui symbolise la colère ?

Béatrice Ardisson : « 'Anarchy In The UK' des Sex Pistols ! »

Une qui fait pleurer ?

Béatrice Ardisson : «Il y a une reprise par Nina Simone de 'Isn't It A Pity' de George Harrison qui est merveilleuse.»

Comme je suis un garçon serviable : Quelle est la chanson que vous rêvez de retrouver et qui vous manque ?

Béatrice Ardisson : «Mais plein ! des tonnes ! le truc c'est que c'est infini, cette recherche, c'est le coté Pénélope qui refait sa couture tous les jours ! J'ai trouvé quelque chose qui m'occupe occasionnellement. Cela me plait. Ca évolue, je les améliore. On a fait aussi du travail avec des sculptures sonores autour d'une thématique qui ressemble aux disques, là je travaillais sur une installation sonore. Ce sont des choses qui m'intéressent aussi. C'est à dire qu'il n'y a pas seulement les chansons, la musique, mais les sons, les bruitages pour définir un univers, que ce soit une ville, un pays.»



Pierre DERENSY