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Bertrand Belin
 

par Pierre Derensy (18/04/05)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

Bertrand Belin n’a rien à voir avec la grande marque de biscuit apéritif. C’est plutôt dans le dandysme chanson française rive-gauche qu’il faut lui chercher des origines. Berçant de long sanglots longs ses 12 chansons pince sans rire à multiples facettes, vous serez surpris d’écouter une voix fraîche et nouvelle.


Dès la première piste « Porto » on part en voyage en votre compagnie, d’où vous vient cette idée de demande en mariage au Portugal ?

Bertrand Belin : « Je suis allé à Porto en été et cela m’a vraiment frappé. Il s’est passé quelque chose dans l’air qui a fait de ce moment un souvenir inoubliable donc c’est à prendre au premier degré mais il doit y avoir une sombre parabole qui fait le lien avec une histoire d’amour que j’ai eu au même moment. C’est une histoire de substitution amoureuse. »

Musicalement on se rapproche justement parfois du fado, avec une mélancolie soignée ?

Bertrand Belin : « Ce n’est pas quelque chose que je possédais comme ingrédient au départ et que j’essayais de mettre à droite ou à gauche mais cela s’est révélé au fur et à mesure de l’enregistrement. Cette sorte de mélancolie, de sodade. C’est surtout saupoudré d’une nostalgie qui rappelle ces états là. C’est un sentiment que l’on aime à partager et qui plus est en chanson. Je prends ça comme une gourmandise, une sucrerie à distribuer. »

Ces inspirations de petites histoires fantasmagoriques sont des courts métrages que vous mettez en musique ?

Bertrand Belin : « Il y a beaucoup de fantasmes, ce n’est pas tellement scénarisé mais plutôt un état qu’une histoire. Je souhaite quand j’attaque une chanson toujours tourner autour du sujet, employer des mots qui ne sont pas forcément adéquates au premier abord pour l’histoire que je vais chanter. Evoquer l’univers dans lequel s’est déroulé la scène sans véritablement parler d’elle. Ce n’est pas tellement narratif ce que je fais. »

C’est une question que je n’aime pas poser mais pour vous c’est indispensable : j’aimerais savoir si vous composez d’abords vos musiques ou si vous partez du texte ?

Bertrand Belin : « Je n’ai pas de techniques particulières. Je crois que sur ce disque c’est assez égal. Je suis surtout à l’affût du moment où tout vient d’un trait, le matin assis sur mon canapé par exemple. »

Votre album est très éthylique ?

Bertrand Belin : « (rire) C’est quelque chose qui émane, qui transparaît après coup. C’est certainement une chose qui occupe beaucoup mon esprit. Quelle que soit la substance le phénomène de s’enivrer m’étonne toujours. Cet enflement de la perception lorsque l’on est un peu éméché. Ca propose une autre réalité mais en aucun cas c’est une réalité altérée considérant que nous sommes tous des humains et que rien ne vient de l’autre bout de l’espace. »

Vos histoires d’amours sont sombres, agressives, perdues mais presque toujours mises sous une musique de velours ?

Bertrand Belin : « En usant des recours au jazz et aux grandes chansons de Cold Porter ! y mettre un écrin autour de la chanson. J’essaye de me maîtriser. Quand j’exprime un texte violent comme ‘Amoureux Fou’ je souhaite éviter le cliché car il n’est pas intéressant, c’est une chanson crépusculaire où j’ai essayé de faire passer une atmosphère enflammée, presque grotesque et caricaturale, un peu l’affiche d’Autant en Emporte le Vent. De toute manière, la vie est remplie d’échec amoureux… j’espère qu’il y en a quelques un qui sont épargnés mais l’amour dans son bonheur ou son malheur est un thème récurent dans la chanson. Il faut faire attention quand on parle de ça. J’essaye d’apporter le change afin que ce ne soit pas le sujet essentiel de la chanson et que soit permis le doute sur la question. »

Vous ne cherchez pas la simplicité de textes ordinaires, vous restez très énigmatique sur vos sujets, ce sont plus des informations mises bout à bout qui donnent la clé de l’énigme ?

Bertrand Belin : « Je ne pourrais pas assumer de dire des choses trop rapidement, trop vite cernable. Je n’aurais pas de plaisir à chanter ça. En même temps je peux répondre de chaque mots dans mes textes, je sais pourquoi il est là, quel sens il a. Avec l’aspiration de m’adresser d’une manière différente au public pour que l’on ai tous les deux une petite part de chemin à faire. Laisser une interprétation assez libre. Je n’ai pas envie de raconter ce qui m’arrive dans la vie de tous les jours. »

Vous portez sur vos épaules de colosse un univers particulier, est ce difficile à faire accepter au public ?

Bertrand Belin : « Oui ! toujours d’ailleurs ! Il y a des gens avec mon répertoire qui ne voient pas ce que j’ai voulu y mettre, des personnes pour qui je ne raconte rien… il ne faut pas faire croire que mon répertoire est quelque chose d’ardu et de compliqué, voir d’ésotérique : ce n’est quand même pas le cas (rire), toutes sortes de gens à différents endroits sont susceptibles de plonger dans mon univers. La seule chose véritable c’est que j’écris vraiment sans complaisance. »

Est ce que pour vous un crooner doit être un looser ?

Bertrand Belin : « Pas du tout ! C’est un mec un peu plus près du clown blanc. C’est quelqu’un qui maîtrise les codes et les formes. C’est souvent un simple interprète. Un crooner pour moi ce serait plutôt un amuseur. »

Et vous vous êtes dans quelle catégorie ?

Bertrand Belin : « Est ce bien nécessaire de le dire et de savoir ? Bluesman pas du tout… il y aurait beaucoup de choses que j’aimerais prendre dans cette catégorie mais c’est quand même un peu galvaudé… je pense que ce qu’il me plait c’est la romance noire. Je suis plutôt un romantique de l’ombre sans être écorché vif… un crooner de la romance noire si l’on peut dire (rire). »

Vos chansons ont un petit goût rive-gauche des années 60, on vous compare souvent d’ailleurs à Philipe Clay ?

Bertrand Belin : « Les moments les plus tendres de Boris Vian et l’album ‘Confidentiel’ de Gainsbourg continuent d’être des sources intarissables d’envie de continuer pour ne pas dire d’inspiration. J’aime beaucoup le jeu avec la nostalgie quand il est intelligent, codifié, partagé avec un clin d’œil avec l’auditeur. »

Parallèlement à votre carrière de chanteur vous avez un 2ème métier qui était celui de guitariste, vous vous sentez le mieux dans quel costume : le chanteur ou l’accompagnateur ?

Bertrand Belin : « Ce n’est pas comparable. Le seul point commun c’est que cela se passe sur scène mais évidement que je suis intimement plus investi dans mon travail de chanteur. Ca a beaucoup d’importance pour moi de chanter mes propres chansons en public ce qui n’enlève aucune importance au travail que je fais par ailleurs. J’éprouve beaucoup de plaisir à jouer avec des gens quand on fait de la bonne musique, de me mettre au service des autres pour répondre à leurs demandes. J’ai beaucoup de plaisir à ça, ça fait 15 ans que je le fais. Avec cet album j’ai l’impression de découvrir d’autres choses, c’est assez grisant. »

Vous avez joué dans un groupe anglais qui s’appelle SONS OF THE DESERT ?

Bertrand Belin : « On ne choisi pas les groupes dans lesquels on joue comme on choisirait une chemise dans un magasin. C’est une part de hasard qui se met en place, il y a le jeu des rencontres qui nous orientent un petit peu malgré nous mais aussi de par la façon dont on s’aiguille pour jouer de la musique. Selon l’angle d’approche. Si j’ai été embauché dans ce groupe c’est parce qu’ils avaient comme influences principales le jazz, la musique irlandaise et la folk américaine des années 20 à 50, il se trouve que c’était aussi ma culture. »

Ensuite vous êtes intervenu sur l’album de Benabar, ce fut une belle rencontre ?

Bertrand Belin : « Avec Benabar on a bien ri. J’ai enregistré sur son précédent album pour ensuite faire une soixantaine de dates en sa compagnie. Evidement qu’on apprend beaucoup par une tournée de ce genre là. Ce n’est pas donné souvent aux musiciens que de partir faire une tournée des Zéniths de France avec 2 bus. C’est un peu un rêve de gosse qui se réalise d’être avec des copains dans un autocar en jouant dans des salles de 3 000 à 5000 personnes en accompagnant un chanteur qui a beaucoup de succès. C’est toujours enrichissant de regarder comment les gens font et s’organisent autour de leur travail. En tournée on est plutôt dans la jouissance que dans le documentaire anthropologique (rire). Ce que l’on a vraiment appris, ce que l’on a gardé ça ressurgit longtemps après. »

En éternel paladin exilé, vous êtes parti à La Havane pour un projet particulier ?

Bertrand Belin : « C’était un projet de rencontre avec des musiciens de la Havane. On est parti à 5 français pour comparer nos musiques. On a crée sur place un répertoire pas du tout de musique Cubain mais de tout genre. On est resté trois semaines avec des moments très forts sans tourisme musical pour apprendre à faire des percutions cubaines ou jouer de la salsa mais venir nous aussi avec notre musique pour faire des rencontre. On a beaucoup écrit, on a fait de la peinture, on est revenu pour en faire un objet de livre-disque et organiser quelque dates de concerts avec ces musiciens qui viendraient en France. C’est vraiment une expérience inoubliable. »

Pierre DERENSY.