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Le Petit Rapporteur

 
 
Adam Cohen
 

par Pierre Derensy (10/03/05)

 
Extrait en musique

 

 
Article par I-Muzzik

 

La mode est au « fils ou fille de », Adam Cohen ne déroge pas à la règle. Heureusement pour lui (et pour nous) celui là de rejeton est pétri de talent et n'a pas attendu le bon vouloir de papa sur sa colline bouddhiste pour tailler sa route. Crooner romantique à la voix de velours, il sort ce « Mélancolista » entièrement en français pour essayer de se faire un prénom sous le soleil exactement, pas à côté, juste en dessous : légitime pour un fan de Gainsbourg.

Tu as attendu 6 ans pour sortir ce nouvel opus, pourquoi ce long silence ?

Adam Cohen : « C'était pas une attente, je fus très occupé ! mon premier disque est sorti en 98 suite à ça j'ai donc fait la promo qui m'a poussé sur la route pendant un bon 2 ans, ensuite je me suis mis à travailler sur un autre disque qui n'est jamais sorti, entre 2002 et 2004 j'ai enregistré deux albums qui sont sortis et en plus j'étais sous contrat avec une maison d'édition où j'ai bien du écrire une centaine de chansons pour d'autres artistes connus aux USA, des musiques de films, des pornos, pour des jeunes filles qui venaient à 18 ans jouer les stars donc j'étais très occupé. »

Tout ce temps et ce travail pendant lequel tu as écrit un peu pour tout et n'importe quoi, était ce épuisant pour ta créativité personnelle ?

Adam Cohen : « Il y a eu une séparation entre ce que je faisais en tant qu'écrivain pour les autres et pour moi. Ca m'a servi finalement. J'étais rodé à bosser tous les jours. Ecrire une chanson pour quelqu'un qui a son véhicule c'est une valeur plus sure, quand tu dois faire ta propre promotion, ta propre tournée c'est angoissant. Tu sais un titre qui marche pour un autre c'est simplement une page noircie.»

Tu as été super bien accueilli dans le milieu avec « Low Million », le choix d'un disque en français n'est il pas une erreur de carrière ?

Adam Cohen : « C'est un risque si à la fin, au final je n'ai pas réussi à faire découvrir mon travail français et que j'ai volé un peu de vapeur inutilement. Je vois cet exercice comme une opportunité, je veux qu'il y ait une infusion du projet vers mon job en anglais et vice-versa. »

Sera t'il distribué dans les pays anglo-saxons ?

Adam Cohen : « On ne va pas s'intéresser à ce marché là. De toute façon la France, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse se suffisent à eux même ! Si j'atteins un petit pourcentage de ces millions de personnes je serais très content. »

Ce qui est frappant c'est la différence entre tes deux costumes : celui d' élitiste francophone avec « Mélancolista » pour un voyage personnel et l'autre avec un accès plus facile, voir commercialement plus vendeur avec tongroupe aux USA ?

Adam Cohen : « Elitiste ! c'est la première fois que l'on me dit ça ! le français est une langue qui s'apprête facilement à un certain raffinement, une sophistication de genre où l'on fait beaucoup plus attention au texte. Avec des écrivains comme Molière, Gainsbourg, Brassens voir Cabrel la barre a été mise beaucoup plus haute ici qu'outre Atlantique. Tandis qu'aux USA il suffit de mettre une bonne batterie et une grosse guitare et si l'air est bon ça passe. »

Est ce l'esprit romantique français que tu as voulu magnifier ?

Adam Cohen : « J'ai vraiment voulu être digne de ce que je connaissais de la France. Les français sont beaucoup plus ouverts aux histoires de cul, au sexe. Ils sont plus romantiques culturellement. Tu peux évoluer dans le thème et le présenter de façon plus sophistiquée, voir coquine. »

« Hé Jane » c'est un petit clin d'oil à Gainsbourg et Birkin mais c'est aussi un single qui parle de l'absente ?

Adam Cohen : « Le sujet de la perte est quelque chose qui raisonne facilement chez l'humain. On la partage. Tu peux toujours en dire quelque chose de différent. La chanson d'amour n'a pas beaucoup de variation mais malgré le champ d'action assez limité que la chanson d'amour représente elle va toujours avoir une résonance universelle parce qu'elle nous offre une position fixe de l'amour. »

Quand on écoute tes chansons, on ressent l'idée de contrarier ce qui doit rester inflexible ?

Adam Cohen : « C'est un exercice sinon une opportunité de présenter les choses tel qu'on voudrait qu'elles soient : plus fixes justement. »

|Pour en revenir à Gainsbourg, il n'a jamais aussi bien composé que lorsqu'il était quitté, est ce pareil pour toi ?]

Adam Cohen : « Oscar Wilde que Serge aimait beaucoup disait « les circonstances romantiques sont les pires circonstances pour quelqu'un qui veut écrire quelque chose de romantique ». Je me permets de dire qu'il avait du lire cette phrase et qu'il en a fait son thème de prédilection, tout comme moi à un autre niveau. Pour écrire une chanson qui se tient il faut avoir une bonne histoire. J'essaye de transformer cet épisode en chanson en lui offrant une mélodie qui communique l'évènement.»

Cette absente qui revient tout au long de l'album comme un cri de désespoir, est ce une histoire autobiographique ?

Adam Cohen : « Tout ce que j'écris vient de quelque chose que j'ai vécu ou aperçu puis cogité. »

J'ai l'impression que tes influences sont plus proches de Ron Sexsmith ou de Rufus Wainwright que de la chanson française actuelle ?

Adam Cohen : « J'aime ces deux artistes ainsi que Bono de U2. Il y a aussi Shade, Brian Ferry du Roxy Music. J'aime beaucoup le côté dandy sombre du Roxy, j'aime la sensualité et le mono dynamise sexuel de Shade. Quand à U2 la valeur transcendante de ce qu'ils font n'est plus à décrire. »

Penses tu que tous les hommes sérieux sont tous machos et phallocrates comme tu le chantes ?

Adam Cohen : « En tout cas tous les hommes ont à un moment de leur existence un côté sado, crado, salop, ce n'est pas ça qui définit leur caractère de leur personnage mais nous avons tous cette face cachée qui paraît à un moment. Toute la difficulté c'est de le faire paraître au bon moment. »

« Melancolista » est un album urbain, d'un trentenaire qui cherche dans le béton des plaisirs simples ?

Adam Cohen : « C'est surtout le résultat d'une vie urbaine. J'ai vécu dans la campagne mais ça doit bien faire 20 que je ne vis que dans les grosses villes. Ma réalité ressemble à l'environnement dans lequel je me suis coulé. C'est à dire que si je jouais dans une grange je serais sûrement fermier et pas écrivain. »

As tu l'impression que New York ne sera plus jamais pareil après les 7 h du matin du 11 septembre ?

Adam Cohen : « Personnellement je n'ai pas de réaction post-traumatique aux évènements, d'ailleurs ce n'est pas pour être méchant ou pour montrer que j'avais une peau épaisse que j'ai écrit ce texte du réveil normal d'un homme comme tous les autres jours mais c'était pour montrer qu'il y avait du vent qui soufflait à travers les arbres, il y avait des milliers de couples qui faisaient l'amour ou la vaisselle à ce moment là. Tu sais le monde a vu bien pire. Je ne cherche pas à diminuer ce qui s'est passé mais je préfère dire que ma re-connexion à la suite de ce tremblement de terre mondial est une re-connexion amoureuse personnelle. »

Roger Tabra a joué un rôle important sur l'écriture de ton album ?

Adam Cohen : « C'est un beau belge qui vit à Montréal qui est un écrivain avec une sagesse et un humour que je respecte énormément. Je l'ai rencontré un soir, il m'a filé un texte et aussitôt j'ai entendu la musique qui transparaissait de la feuille. Cela m'arrive rarement. D'ailleurs de collaborer avec des gens cela m'était inédit. J'espère pouvoir travailler avec lui sur mes prochains projets. »

Pourquoi avoir voulu librement adapter un passage du Tartufe de Molière en compagnie de Virginies Ledoyen ?

Adam Cohen : « Je suis tombé dessus. Je connaissais pas. Je sais que les français étudient Tartufe et Molière en classe mais moi je l'ai découvert par hasard il y a quelques années. Je l'ai lu en anglais. J'ai trouvé ça tellement moderne, drôle, pertinent et d'avant garde que j'ai foncé le chercher en français. Pendant que je me suis mis à adapter une scène que je trouvais amusante j'ai eu une vision de la musique et de la personne qui devait me renvoyer le dialogue et c'était Virginie. Je lui ai présenté la maquette où je faisais les deux voix : celles de la femme et de l'homme et cela l'a séduite. L'architecture esthétique vient de 'Bonnie and Clyde' ce qui donne un certain effet inconscient sur l'oreille. »

L'album se termine par « J'en ai marre » qui est la première chanson écrite en français que tu as composée à 18 ans ?

Adam Cohen : « « J'en ai marre » est une phrase intraduisible en anglais. C'est une phrase qui est assez fort, vulgaire, qui se dit facilement mais c'est surtout quelque chose de la culture française que je voulais capturer dans cet album. La mettre à la fin ça fait une arche qui correspondait bien au projet. »

C'est donc un disque en français mais pourquoi n'avoir pas été jusqu'au bout du projet en enregistrant l'album en France ?

Adam Cohen : « J'étais trop occupé aux USA, je n'avais pas l'infrastructure, le studio ici en France, je ne voulais pas quitter ma vie et mon appartement non plus. C'était difficile de le faire avec des musiciens qui ne comprenaient rien à votre langue mais ça m'a forcé à être sûr de ce que je faisais. Pour avancer il faut être certain de chaque morceau, de chaque couplet, chaque intro. J'ai re-écrit, je me suis consulté à fond parce que j'étais seul et parce que j'avais peur de mal faire.»

Le fait d'avoir une maman française t'a t'il aidé pour chanter sans une trace d'accent ?

Adam Cohen : « Ma mère c'est une personne qui se prend pour une française, qui est américaine et qui vit à Paris depuis 30 ans. Elle refuse d'ailleurs de me répondre si je lui pose une question en anglais. Donc ça aide dans les moments où je ne pouvais ou ne voulait pas pratiquer cette langue. »

Pour terminer sur la famille, que pense ton père de cet album ?

Adam Cohen : « Il l'aime énormément. Il n'a qu'un titre de son répertoire sur un vieux disque qui est en français et ce n'est pas lui qui a écrit le texte. C'est donc une définition différente de ce qu'il a fait. Pour lui comme pour moi c'était important que je trouve ma voie avec un V majuscule. Il fallait que je trouve mon chemin en dehors de ce qu'il avait balisé. »

Cela a t'il été compliqué de porter ce nom si imposant ?

Adam Cohen : « Pour les autres oui, pour moi non. j'ai eu l'habitude en 31 ans de m'y faire. C'est ma vie en permanence. C'est un luxe d'avoir un père comme le mien. D'avoir accès à lui, à ses pensées, à sa sagesse, à son expérience, à son humour et son esthétique. »

Peux tu pour finir m'expliquer la particularité de tes guitares ?

Adam Cohen : « Je leur donne le nom de mes ex-copines ou alors celui de la personne avec qui je l'ai acheté. »


Pierre DERENSY